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utile, mais qui, malgré tout, n’avait rien de glorieux. Le mot annuimus dont il se sert pour caractériser son attitude convient beaucoup mieux à un acquiescement verbal et discret qu’à un traité écrit et signé.

Peut-on savoir quelles étaient les limites de la Normandie primitive, de la Normandie de 911 ? On sait d’abord une chose, c’est que la Normandie n’était pas complète, puisqu’elle se compléta par deux annexions ultérieures en 924 et en 933. Mais on sait aussi que les Normands occupaient dès 911 bien des territoires qui ne leur furent régulièrement cédés que treize et vingt-deux ans plus tard. C’est ce qui a embrouillé la question. Il faut partir de cette idée que Charles le Simple en 911 ne céda aux Normands rien qu’ils n’occupassent déjà, mais ne leur céda pas tout ce qu’ils occupaient. Du reste, il nous dit lui-même qu’il a traité « avec les Normands de la Seine, soit avec Rollon et ses compagnons. » (Le mot comités désigne à proprement parler les chefs qui suivent la fortune de Rollon et non la foule des simples pirates qui sont sous ses ordres, mais ceci importe peu pour le point que nous étudions.) Il y avait d’autres bandes, dans le Cotentin par exemple, qui ne dépendaient pas ou qui ne dépendaient guère du chef des Normands de la Seine. Leur situation ne fut pas changée : elles gardèrent le pays qu’elles occupaient, et nul ne chercha à les en déloger.

Que reçut Rollon ? Rouen et les pays maritimes qui en dépendent, répond Flodoard. On peut, d’après d’autres passages de Flodoard, préciser davantage. Il nous raconte lui-même dans ses Annales, à la date de 923, que le prétendant au trône Raoul entre sur le territoire des Normands « en traversant l’Epte. » Donc l’Epte est à ce moment la frontière de la Normandie vers l’Est. Or aucune modification des limites de la Normandie n’avait eu lieu depuis 911. Reste à savoir si la frontière se continuait comme aujourd’hui en suivant la Bresle jusqu’à son embouchure. Flodoard ici encore nous permet de répondre affirmativement. En 925, dit-il, les Français prennent sur les Normands une forteresse, sise sur le bord de la mer, où Rollon avait garnison, et il nous dit que cette forteresse s’appelait Auga (Eu). La ville d’Eu se trouvant sur la Bresle et près de son embouchure, la question est résolue. Répétons qu’aucune rectification de frontière ne s’était produite de ce côté depuis le premier accord. Donc, sur la rive droite de la