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puérilité à vouloir préciser plus qu’on ne le fît sans doute à Saint-Clair-sur-Epte. Au sud, la limite était déjà la limite traditionnelle, l’Avre, frontière immuable du pagus, de la cité, du diocèse et du comté d’Evreux à travers les âges.

Des sept diocèses composant la province de Rouen, en voilà deux, Rouen et Évreux, incontestablement aux mains des Normands dès 911. Celui de Lisieux eut le même sort. En voici la preuve. Flodoard, auquel on ne saurait trop recourir, nous apprend qu’en 924 le territoire normand fut accru du Maine et du Bessin. C’était le premier agrandissement depuis l’entrevue de Saint-Clair-sur-Epte. L’absorption du pays de Madrie ne put manquer de se faire en même temps. Raoul de Bourgogne, qui venait de détrôner Charles le Simple, n’avait pu refuser au puissant duc de Normandie un agrandissement qu’il prétendait que le roi légitime lui avait promis. Or la cession du Bessin présuppose la possession du Lieuvin, comme celle du Maine présuppose la possession de l’Évrecin, sans quoi on ne pourrait dire que le territoire des Normands a été arrondi, terra illis aucta. Quant à la prise de possession du Maine par les Normands, elle ne fut que très momentanée, si même elle eut lieu, mais elle entraîna la prise de possession du diocèse de Sées qui fut définitive. Elle l’entraîna parce que le diocèse de Sées se trouvait complètement enclavé entre ceux de Bayeux, de Lisieux et d’Evreux d’une part, et le Maine de l’autre. Ajoutons que Sées suivait assez généralement jusqu’alors le sort du Maine, comme on peut le voir dans les partages mérovingiens. Sous les Carolingiens, nous savons par un capitulaire de Charles le Chauve, daté de 853, qui nous donne la liste des cités inspectées par les missi dominici, que Sées ne figurait pas dans le même groupe que les autres villes de la future Normandie : Sées allait avec le Maine. Quant aux deux diocèses d’Avranches et de Goutances, complément naturel et historique de la Normandie, ils ne lui furent ajoutés qu’en 933, à l’avènement de Guillaume Longue-Épée, et celui-ci eut même à combattre alors un soulèvement des Normands du Cotentin qui trouvaient ceux de la Seine trop francisés.

En résumé, on voit que la Normandie de 911 comprenait à peu près les diocèses de Rouen, d’Evreux et de Lisieux, ce qui lui donnait un ensemble de frontières naturelles marquées par la Bresle et l’Epte au Nord, la Seine, l’Eure, l’Avre et la Dives