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la souffrance humaine ; elles voyaient avec une impression de deuil la fermeture des orphelinats où des congréganistes avaient longtemps abrité l’enfance malheureuse. « Nous sommes descendus au rang des Etats d’esclaves de l’Amérique, » s’écriait Schorlemer-Alst. Des prophètes de malheur surgissaient, reprochant au Culturkampf de mettre en péril l’esprit national. Dans certains coins de Bavière où, trois ans plus tôt, « le buste de Bismarck était honoré comme un Dieu lare, » on affectait, désormais, de ne plus fêter Sedan ; et la résistance croissante qu’opposaient un certain nombre de catholiques à la célébration de cet anniversaire apparaissait comme un symptôme qui ne devait pas être négligé, non plus d’ailleurs qu’il n’en fallait exagérer la portée. Mais il était grave de recueillir, sous la plume de l’historien national-libéral Treischke, l’aveu que, parmi les anciens fanatiques de l’unité allemande, certains étaient devenus tièdes et presque traîtres, par dégoût du Culturkampf, ou par crainte des forces antireligieuses que le Culturkampf déchaînait. Mallinckrodt, dès le mois de février 1874, avait pronostiqué ces remous d’opinion ; et Mallinckrodt n’avait pas été cru.


I

C’est vers Guillaume Ier que faisaient ascension toutes ces rumeurs ; et Guillaume Ier souffrait. Non pas qu’il songeât un seul instant à faire retraite devant Rome, cela lui eût fait l’effet d’une impiété envers l’Etat. « Comment peut-on se faire catholique ? disait-il un jour à Gontaut ; il est devenu clair que le catholicisme n’a qu’un but : envahir les droits civils. « Mais lorsque Charles-Antoine de Hohenzollern, mais lorsque le bourgmestre Contzen, d’Aix-la-Chapelle, mettaient sous ses yeux les détails d’application des lois, le souverain les trouvait fâcheux, et sans les juger encore mauvais, il était tout près de les réputer maladroits. Et puis, surtout, sa conscience était très tourmentée ; il sentait qu’en face de l’Eglise insoumise, qui faisait bon usage de ses souffrances mêmes, l’autre Eglise prussienne, — la sienne, l’Eglise évangélique, l’Eglise de l’Etat, — — ne laissait pas, elle aussi, d’éprouver un malaise. La loi sur l’inspection scolaire, les premières lois de Mai l’avaient gênée ; elle avait vu diminuer, dans ses facultés de théologie, le nombre