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modèle. Il est le maître incomparable des plis : plis qui enveloppent comme des bras, plis qui bouillonnent comme de l’écume, plis qui sourient comme des fossettes, plis qui froncent comme des rides, plis qui gantent, plis qui ondulent, plis qui se creusent, se « pochent, » ou plis qui tombent en chute d’eau, — il les sait tous, et les emploie tous, dans un parfait équilibre et une parfaite simplicité. Il trace, d’une main également sûre, la grande trajectoire et le petit « œil de pli. » Il réussit également la période et le trait. Il a de l’éloquence et de l’esprit. Aimanté par la réalité, son crayon n’erre jamais. Et là, chose curieuse, en même temps que sa pratique est parfaite, sa théorie est large. Dans le domaine de la forme, son esprit est très compréhensif : il saisit tout, il comprend tout, il aime tout ce qui vraiment est digne d’être aimé. Il ne s’arrête nullement aux Grecs, ni à Raphaël. Il aime Masaccio, il aime Luca Signorelli, il aime jusqu’à Giotto et le copie. Sans doute, ce ne sont que des passades ; il se ressaisit ; en lui le Grec prédomine, mais s’il n’adore pas constamment les primitifs, il les comprend toujours. La justesse, la précision, la force d’une ligne, partout où il les trouve, même éloignées de la grâce qu’il aime, même mêlées de l’archaïsme ou de l’étrange qu’il n’aime pas, il les admire, il les acclame parfois, en tout cas, il les admet. C’est que vraiment sensible aux beautés de la forme, il comprend tout du Beau « formel. » Rien de ce qui est du dessin ne lui est étranger.

Et comme il l’enseigne ! « En étudiant la nature, dit-il à ses élèves, n’ayez d’yeux d’abord que pour l’ensemble. Interrogez-le et n’interrogez que lui. Les détails sont des petits importans qu’il faut mettre à la raison. La forme large et encore large ! » Dans ce domaine qu’il connaît bien, sa théorie comme sa pratique est entièrement réaliste. Il se fâche contre quiconque se permet d’embellir le modèle. Au seul mot d’« idéaliser, » il éclate : « C’est dans la nature qu’on peut trouver cette beauté qui fait le grand objet de la peinture, dit-il ; c’est là qu’on doit la chercher, nulle part ailleurs. Il est aussi impossible de se former l’idée d’une beauté à part, d’une beauté supérieure à celle qu’offre la nature, qu’il l’est de concevoir un sixième sens ! » Et quand on lui cite les anciens, il répond : « Les anciens n’ont pas créé, ils n’ont pas fait, ils ont reconnu. »

Cette « forme large, » ce dédain du détail, cette décision, se