Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 3.djvu/460

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lorsqu’elle est entre les mains de Gladstone. La Souveraine demande des explications. Elle formule des objections. Elle obtient des retouches. Elle serre les freins sans jamais toucher au volant de direction. Victoria n’a jamais voulu être et n’a jamais été « une machine à signer. » Non seulement elle a main1 tenu intact le rôle social de la monarchie anglaise, dispensatrice des honneurs et des anoblissemens, sauvegardé ses droits de surveillance sur les choses de l’armée et de la marine ; mais encore, elle a conservé le contrôle, que lui laissent les traditions constitutionnelles, sur la gestion des services administratifs. Quand on crée un nouvel organisme, comme le secrétariat des Indes, elle fait immédiatement préciser la manière dont s’exercera son autorité.


4 septembre 1858. — La Reine désire que, pour ce qui est des communications qui devront lui être faites, le nouveau ministère se conforme autant que possible à l’usage établi aux Affaires étrangères. Toutes les dépêches, une fois reçues et lues par le secrétaire d’État, seront envoyées à la Reine. Elles pourront être simplement expédiées dans un coffret, sans être accompagnées d’aucune lettre du secrétaire d’Etat, à moins qu’il ne juge des explications nécessaires. Aucune dépêche, donnant des instructions ou des ordres, ne sera expédiée sans avoir été préalablement soumise à l’approbation de la Reine. Les plis, contenant des dépêches de ce genre, porteront la mention : « A approuver. » Pour les nominations civiles, le secrétaire d’État consultera, lui-même, le bon plaisir de la Reine, avant de communiquer avec les candidats auxquels il songe. Des copies ou les minutes des délibérations du Conseil des Indes seront régulièrement transmises à la Reine. Le secrétaire d’État devra obtenir l’approbation de la Reine, avant de soumettre des questions importantes à la discussion du Conseil.


Cette page définit, mieux que ne le feraient tous les développemens, le contrôle monarchique, tel que le comprend Victoria : communication des documens ; discussion préalable des nominations de fonctionnaires ; examen officieux des projets de loi. Et que le lecteur ne croie pas qu’il s’agisse là de simples formalités : nombreuses sont les lettres où la Souveraine proteste contre des signatures hâtivement données[1] ; plus nombreuses encore celles où elle discute une promotion et exige des retouches[2]. Sans doute le domaine parlementaire échappe à l’action du monarque constitutionnel. Encore est-il que la

  1. Correspondance inédite, trad. fr., t. I, p. 230, 460 ; III, p. 60.
  2. Ibid., I. II, p. 199 ; III, p. 297, 298, 300.