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dans le passé, quelque acte dont elle croit avoir à se plaindre, qu’elle s’en plaigne en effet, et des explications immédiates remettront toutes choses au point. Sans doute la situation réciproque de la France et de l’Espagne pourrait faire naître des difficultés et amener des froissemens entre elles, si elles ne veillaient soigneusement à les éviter. Le fait même que les autres puissances les ont mises sur le même pied au Maroc et y ont reconnu l’identité et la prééminence de leurs intérêts, pourrait provoquer entre elles des frottemens dangereux, si elles n’avaient pas l’une pour l’autre tous les ménagemens nécessaires. La France et l’Espagne ne peuvent être au Maroc que très bien ou très mal ; notre choix est fait, elles doivent être très bien, et si nous devons y mettre du nôtre, il faut le faire, non pas étroitement, mais largement et cordialement. Qu’avons-nous vu depuis quelques semaines, depuis quelques jours, en Espagne ? La presse a entamé et elle continue contre nous une campagne véhémente. Le gouvernement a commencé par y résister ; il a gardé assez longtemps tout son sang-froid ; les rapports officiels sont restés corrects, courtois, anneaux, et c’est ce qui explique les notes de presse auxquelles nous avons fait plus haut allusion. Mais le gouvernement espagnol a fini lui-même par subir l’influence ambiante, et le langage de M. Canalejas, celui du moins qu’il tient aux journalistes, s’en est parfois un peu ressenti. Nos journaux alors ont montré un grand étonnement, comme s’ils n’avaient pas lu leurs confrères d’outre-monts et n’avaient rien prévu, ni rien compris. M. Canalejas, interrogé aux Cortès, a déclaré que l’Espagne se réservait d’agir selon les circonstances, mais qu’elle le ferait toujours conformément aux traités et aux accords internationaux. Cela doit nous suffire, ainsi qu’à tout le monde. Sur un seul point, les susceptibilités de l’Espagne, si elles existaient, nous paraîtraient excessives : on a dit que c’était pour les ménager que nous avions renoncé à la marche sur Fez par Taza. Nous hésitons à le croire et, s’il y a dans cette allégation quelque chose de vrai, il faut s’en expliquer. L’Espagne voit-elle d’un mauvais œil que nous allions à Taza ? Comme, dans ce cas, nous ne pourrions pas non plus admettre qu’elle y allât elle-même, cette porte du Maroc serait-elle condamnée et comme murée ? Serait-ce possible ? Serait-ce admissible pour longtemps ? Le contraire est si certain qu’une entente est nécessaire, et nous ne doutons pas qu’elle ne se fasse, car tout ce qui est nécessaire se fait.

Pour nous résumer et pour conclure, quel est aujourd’hui notre vœu ? C’est que le gouvernement, conformément au désir qu’il en a,