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Mais elle abonde aussi en violens contrastes, qui évoquent l’idée de la lutte et de la résistance. Après les redoutables tempêtes du printemps, de mai jusqu’en septembre, le temps reste sec et l’atmosphère d’une pureté merveilleuse. Les contours des montagnes et les moindres détails du paysage se dessinent dans une clarté limpide avec des couleurs vives qui ont la fraîcheur de l’arc-en-ciel. L’été est chaud et léger, l’hiver rude et terrible. L’oranger et le grenadier poussent au bord des vallées fertiles. Des palmes ombragent les sources où boivent les gazelles, tandis que les neiges s’amassent aux flancs des montagnes, boisées de chênes et de cèdres, qu’habitent l’ours et le vautour, et que le vent du Nord balaye les steppes en tourbillons de poussière.

Telle la terre d’adoption des Aryas primitifs, terre où l’eau né jaillit du sol avare que sous les coups de pic, terre qui ne donne son fruit que sous le soc de la charrue et le canal d’irrigation, où la vie est un éternel combat contre la nature. Telle fut la patrie de Zoroastre.


I. — LA JEUNESSE DE ZOROASTRE

Les uns le font naître en Bactriane, les autres dans la biblique Rhagès, non loin de l’actuelle Téhéran. J’emprunte encore à Gobineau la description de ces lieux grandioses : « Au Nord s’étendait une chaîne de montagnes dont les sommets étincelans de neige se relevaient à une hauteur majestueuse : c’était l’Elbourz, cette immense crête qui unit l’Indou-Kousch aux montagnes de la Géorgie, le Caucase indien au Caucase de Prométhée, et, au-dessus de cette chaîne, la dominant comme un géant, s’élançait dans les airs l’énorme dôme pointu du Demavend, blanc de la tête aux pieds… Pas de détails qui arrêtent la pensée, c’est un infini comme la mer, c’est un horizon d’une couleur merveilleuse, un ciel dont rien, ni parole, ni palette, ne peut exprimer la transparence et l’éclat, une plaine qui, d’ondulations en ondulations, gagne graduellement tes pieds de l’Elbourz, se relie et se confond avec ses grandeurs. De temps en temps, des trombes de poussière se forment, s’arrondissent, s’élèvent, montent vers l’azur, semblent le toucher de leur faîte tourbillonnant, courent au hasard et retombent. On n’oublie pas un tel tableau. »