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les montagnes sont, par régions, tapissées de caféiers, ont sensiblement contribué à donner à Ménélik l’empire et les moyens de le défendre contre l’agression étrangère.

Leur conquête a du reste été facilitée au roi du Choa par l’obligation où s’est trouvé presque constamment son suzerain, le Négous Johannès, absorbé par le souci de faire face dans le Nord à la menace étrangère, de laisser une entière liberté d’action à Ménélik dans le Sud. Après les Égyptiens, écrasés en 1876, les madhistes ont inquiété l’Ethiopie. Puis l’effacement de la puissance égyptienne, qui fut d’ailleurs pour Ménélik l’occasion de s’emparer de Harrar en 1887, mit le Négous en présence des Italiens, débarqués à Massaouah en 1885, après le retrait de la garnison khédiviale. Pendant plusieurs années Johannès resta face à ces nouveaux venus, dans les lignes de Saati, pour couvrir le Tigré contre leurs entreprises. Tout favorisa donc ce que nous avons appelé la politique coloniale de Ménélik. Plus tard, lorsqu’il sera Négous, l’achèvement de cette politique lui sera imposé par la nécessité de donner à l’Ethiopie, dans l’Afrique qui se partage, ses frontières naturelles, et sur tout le pourtour méridional du plateau, ses lieutenans atteindront et même dépasseront le bord de la falaise qui porte les hautes terres éthiopiennes. Ménélik, dans cette œuvre d’expansion devenue systématique, sera incité et conseillé par des Français. Mais cette partie de la carrière de Ménélik appartient à la politique internationale : dans l’intervalle, le roi du Choa est devenu Empereur et a sauvé l’Empire.

Maître du royaume désormais le plus riche et le plus fort de l’Ethiopie, Ménélik s’était mis à même de saisir la première occasion pour revendiquer la couronne de Roi des Rois ; les derviches la lui fournirent, et les Italiens, par une politique qui allait bien vite se retourner ironiquement contre eux, l’aidèrent à se faire sacrer Négous. Une horde de mahdistes menaça l’Ethiopie ; Johannès quitta, pour se porter à sa rencontre, la région de Massaouah où il contenait les Italiens. Il écrasa à Metamma les gens du Mahdi d’Omdourman, le 10 mars 1889, mais il fut tué par une balle perdue le soir de cette victoire.

Ménélik déclara prendre sa succession. Il avait en face de lui Mangacha le roi du Tigré, fils de Johannès et d’une concubine.