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la fois, et ils y réussissent le plus souvent. Quelques groupes de paysages méritent une halte : le groupe des marines du Nord de M. Bracquaval, le seul peintre qui connaisse les ciels comme les Hollandais ; le groupe des Versailles de M. Guirand de Scevola, entourant de leurs splendeurs royales et abolies la délicieuse figure d’une très petite fille dans un très grand fauteuil ; le groupe des clairs de lune de M. Le Sidaner. Et, parmi les paysages dispersés çà et là, deux paysages italiens, d’un jeune artiste anglais, M. Bernard Harrison, méritent qu’on s’y arrête : un coin de la Cathédrale de Pise, la nuit, et Matinée d’octobre à Florence, sur les chemins de San Miniato. Rarement l’impression fine, légère, lumineuse d’un « matin à Florence » fut aussi subtilement rendue.


Dans le Paysage, donc, nulle décadence, nulle trace de fatigue : il semble qu’il puisse se renouveler indéfiniment. De même, dans le Portrait. Il n’est point, cette année, de portrait qui fasse époque, et même si l’on retranchait des Salons toutes les effigies peintes par les étrangers, il ne resterait plus grand’chose à admirer. Cependant le Portrait de M. Cognacq par M. Besnard, avenue d’Antin, et le Portrait du marquis de Dion par M. Marcel Baschet, aux Champs-Elysées, sont de beaux morceaux de peinture et plus encore, peut-être, de dessin. On se passerait de leur couleur : leur armature solide et souple, à tous deux, suffirait à les faire connaître comme les œuvres de deux maîtres. La main, dans le portrait de M. Cognacq, est admirable. Rien d’équivalent parmi les Portraits de femmes. Seule, une petite toile par un Américain, M. Rolshoven, intitulée Mademoiselle René Baudry, en costume second Empire, nous apporte une vision colorée d’une intensité extrême, mais c’est à peine un portrait : c’est une harmonie dans des tons très hauts et très sonores.

Malgré la faiblesse apparente du Portrait, aux Salons de 1911, nous pouvons, sans hésiter, mettre, là, comme dans le Paysage, nos espérances pour l’Art. C’est un genre très difficile et très lent à renouveler, mais inépuisable, par l’infinie variété de son objet, et très salutaire par l’obligation où il tient le peintre de ne pas s’écarter de la réalité. Les fantaisies comme celles de M. Boldini seront toujours très rares : on ne les permettrait pas à d’autres, et on ne les admire pas toujours chez lui.