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d’anarchie où est aujourd’hui la Chambre, à changer les personnes on ne changerait pas les choses, et alors où serait l’avantage ? Un président du Conseil alité est un symbole assez exact de la situation actuelle, et nous ne sommes pas bien sûrs que le ministère ne soit pas, sinon plus fort, au moins plus durable, dans les conditions présentes qu’il ne l’était auparavant. Comment renverser un homme qui est dans l’impossibilité d’affronter la bataille et qui, au point de vue parlementaire, peut invoquer le plus légitime des alibis ? Il y a d’ailleurs, sans que peut-être elle s’en rende distinctement compte elle-même, quelque chose qui plaît à la Chambre dans cette absence du gouvernement. Toutes ses tendances sont à la confiscation du pouvoir exécutif à son profit, et elle trouve des facilités inespérées dans la maladie du président du Conseil. M. Jaurès tient plus que jamais à la conservation de ce ministère ; il y tenait, on le sait, avant la catastrophe d’Issy-les-Moulineaux ; il y tient encore davantage après, et il a raison. L’éclipse partielle du gouvernement fait fort bien son affaire et, pour ce motif même, elle ne ferait pas la nôtre, si nous pouvions espérer un ministère qui remplirait plus activement su fonction que celui-ci ; mais où en trouver les élémens ? L’expérience de ce minimum de gouvernement se fera donc jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’au jour où les inconvéniens en seront trop manifestes. En attendant, comme il faut borner ses désirs, nous les réduisions à avoir un général au ministère de la Guerre et satisfaction nous a été donnée. M. Monis y a eu quelque mérite. La nouvelle de la résolution qu’il avait prise à ce sujet a produit quelque émotion dans le monde parlementaire. Les journaux ont raconté que le jour même des obsèques, derrière le cercueil de M. Berteaux, une sorte de club s’était spontanément formé où on discutait en plein air, comme on l’aurait fait dans les couloirs de la Chambre, la grave question d’un ministre militaire ou d’un ministre civil. La majorité était naturellement pour le civil : si le militaire l’emportait, elle demandait du moins qu’on lui réservât un sous-secrétariat d’État, et nous féliciterions encore M. Monis de la résistance qu’il a faite sur ce point si le Temps n’avait expliqué que l’embarras aurait été inextricable de choisir entre un trop grand nombre de candidats. On parlait déjà pour le lendemain d’un conseil des ministres mouvementé ; M. Monis a fait acte d’autorité ; il a annoncé le choix qu’il avait fait du général Goiran, et tout le monde s’est incliné, ce qui ne veut pas dire que tout le monde se soit sincèrement résigné. Nous ne connaissons pas le nouveau ministre, mais la nécessité d’avoir aujourd’hui un général à la Guerre