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aboutissait à un conflit avec la Serbie et si la Roumanie était sollicitée d’y prendre part, elle pourrait, de ce côté-là encore, trouver le prétexte d’une revendication nationale. Enfin si, dans une conflagration générale de l’Europe, la Roumanie était amenée à seconder, contre la Russie, les troupes autrichiennes et si cette coopération aboutissait à un succès, la Bessarabie pourrait en être le prix. Mais ces divers avantages, la Roumanie ne pourrait les obtenir qu’à la faveur de cataclysmes généraux qu’elle n’a pas intérêt à provoquer parce qu’elle pourrait aussi beaucoup y perdre. Il en est autrement des provinces, peuplées de plus de trois millions de Roumains qui font actuellement partie intégrante de la Hongrie et de l’Autriche. Pour le moment, les relations de la grande monarchie et du petit royaume sont excellentes et l’union de tous les Roumains sous le drapeau national est un rêve que les Roumains osent à peine s’avouer à eux-mêmes ; mais comment n’observeraient-ils pas les changemens qui, à plus ou moins brève échéance, semblent se préparer dans la monarchie dualiste ? Il y a quinze ans, les pangermanistes se vantaient de travailler à une dislocation de l’Autriche-Hongrie : Prague, Vienne et Trieste seraient entrées dans l’Empire allemand, et l’on entrevoyait déjà que si le Hohenzollern de Berlin absorbait un large morceau d’Autriche, le Hohenzollern de Bucarest ne manquerait pas, lui aussi, de se ruer à la curée : chacun prendrait selon ses serres. On ne parle plus guère aujourd’hui d’un démembrement de l’Autriche, mais on parle beaucoup d’une réorganisation de la monarchie habsbourgeoise sur de nouvelles assises ; les uns voudraient qu’elle devînt trialiste ; d’autres, plus hardis, entrevoient déjà un empire fédéra tif où chaque groupement national formerait un Etat et prendrait place dans une Confédération. Il est caractéristique que l’un des livres où ce plan est exposé et qui ont soulevé le plus de discussions, soit précisément l’œuvre d’un Roumain de Transylvanie, Aurel Popovici[1]. Dans ce projet, les Roumains de Hongrie, de Transylvanie et de Bukovine sont réunis en un seul

  1. Die Vereinigten Staaten von Grosz-Österreich (Leipzig, Elischer, 1906, in-8).