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à tout un monde de préoccupations, de désirs et de rêves, qu’elle dut, en s’offrant à son esprit, lui faire l’effet d’une sorte de révélation. « Une espèce de fièvre, nous dit-il, me dévora pendant tout le temps de ma composition. » On s’explique cela sans peine. Il avait enfin trouvé sa voie. Le chrétien et l’artiste, le lettré et le moraliste, le romancier et l’historien, le chevalier et le peintre, tous les aspects de son génie et de sa personne morale, il allait pouvoir les exprimer dans son œuvre nouvelle, Les parties mortes de l’esprit de son temps, celles qui, dans l’Essai, entravaient son essor et paralysaient son originalité naissante, il venait de les répudier sans retour ; il sentait que l’esprit d’un nouveau siècle venait de lui apparaître, et qu’il avait pour mission de lui donner une forme et de lui prêter une voix. À cette tâche il se promettait bien de ne point faillir. D’emblée, le livre qu’il venait d’entrevoir pouvait le placer à la tête de la jeune génération littéraire, et, comme ces dieux d’Homère qui en trois pas franchissent le ciel, il allait peut-être, en deux ouvrages, atteindre à la gloire que les Rousseau et les Voltaire, les Bossuet et les Pascal avaient parfois si laborieusement conquise…

Le Génie du Christianisme était né.


VICTOR GIRAUD.