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est délicieuse. On voyage, on travaille ensemble à Compiègne, en Normandie. Un seul chagrin en 1856 ; cette année-là, l’Institut est féroce ; c’est une hécatombe de romantiques : Rousseau, Lami, jetés à la porte. Ary Scheffer ouvre chez lui un Salon des Refusés où, naturellement, Huet figure. En 1837, le bonheur conjugal est complet encore ; on passe la belle saison à Compiègne, près du Duc et de la Duchesse d’Orléans. Mais, en 1838, douloureuses inquiétudes. La jeune Mme Huet est gravement atteinte : il lui faut le Midi. Les époux vont s’installer à Nice, où, sauf un bref retour à Paris, leur séjour se prolonge jusqu’à la catastrophe finale, en décembre 1839.

Durant cette transplantation, le peintre, en de nombreuses lettres, nous confie les cruels soucis dont souffre son cœur. Près de la chère mourante, il lui faut vaillamment chercher « par nécessité » dans le travail « diversion à ses tourmens. » Cette nature du Midi, inattendue pour ses yeux septentrionaux, « cette nature resplendissante, si en dehors de ses études et de ses premières affections, » le surprend, l’inquiète. Il ne sait « si son pauvre talent pourra jamais en approcher. » Cependant, il s’efforce, il s’enhardit, il reconnaît, il comprend « toute la force, toute la finesse admirable qu’elle tire de son soleil et de sa lumière. » De ce premier séjour en Provence datent sans doute plusieurs belles œuvres, notamment la Côte d’Antibes, Revenu à Paris, il expose au Salon de 1840 la grande Vue dit château d’Arqués (musée d’Orléans), au Salon de 1841, l’Intérieur de Forêt, Vue du Port de Nice et autres paysages niçois.

La décoration qu’il reçut alors ne lui apporte qu’une joie passagère. Désireux de revoir à Nice le souvenir de celle qu’il a perdue, il y retourne à l’automne, après un arrêt chez Lamartine à Saint-Point et chez des amis à Avignon. Cette fois, il ne résiste plus à la tentation, il se décide à demander à l’Italie la consolation puissante que plusieurs de ses amis y avaient déjà trouvée. Il s’arrête à Gênes, Pise, Florence, d’où il écrit longuement à son ami Sollier, et à Mme Richomme, « sa sœur mère. » C’est toujours avec la même sincérité, la même liberté d’intelligence ouverte et de goût éclairé qu’il note, à la fois, les désillusions de ses yeux français, épris de franchise, de simplicité et de clarté, devant les somptuosités menteuses de la décadence académique et jésuitique et son admiration, émue devant les chefs-d’œuvre des vrais artistes du XVe et du XVIe siècle. A Rome