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certain nombre de ces demi-responsables, devenus inoffensifs et pouvant même encore, dans certains cas, rendre service à leurs semblables.

Un exemple démontrera immédiatement l’exactitude de cette thèse : c’est l’exemple de l’alcoolique.

L’alcoolique est très souvent le type de ces demi-fous qui commettent un crime dans un accès d’inconscience ou de demi-conscience, sont internés, guérissent rapidement, sortent de l’asile et recommencent. Si, dans l’asile spécial, dont je demande la création, on leur applique un traitement psychique convenable, on peut les guérir, non plus seulement de leur accès de délirium, mais de leur dipsomanie, de leur manie de boire ; comme on guérit un morphinomane ou un éthéromane.

C’est ainsi que, commentant la loi suisse dont je parlais plus haut, M. Stoos écrit : « Je suis convaincu qu’il vaut mieux traiter les buveurs que les punir… C’est pourquoi le projet suisse réserve l’internement dans un asile pour les buveurs qui ont commis un délit, exigeant comme tels une peine d’une durée restreinte. »

On remarquera qu’en traitant ainsi un alcoolique, non seulement on traite sa demi-folie, mais on agit préventivement sur la demi-folie de ses enfans. Car l’hérédité alcoolique est une des causes certainement les plus puissantes de ces dégénérescences qui entraînent la responsabilité atténuée.

Donc, le traitement, que la société doit à ses demi-fous criminels, existe ; il est possible.

Ce n’est pas le lieu de développer les élémens médicaux de ce traitement, qui doit surtout être psychique. Je dois seulement indiquer, en terminant, le rôle considérable que l’éducation et la rééducation morales doivent y jouer pour qu’il soit vraiment efficace.

Le demi-fou est un débile égoïste, réduit pour étayer ses décisions aux impressions corporelles du moment ; il n’a, par lui-même, ni l’intelligence, ni la sensibilité, ni la volonté suffisantes pour connaître spontanément ses devoirs envers ses semblables, pour comprendre, sans qu’on le lui apprenne, que la liberté des autres doit souvent limiter la sienne ; il ne sait pas les lois de la vie en société, il ignore la plupart des lois morales qui sont indispensables au développement et à la vie d’une société.