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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/117

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un clair présage qu’un siècle « plus gonflé de foi s’écoulera vers les autels. »

L’Église a toujours tenu en défiance les belles sibylles, même lorsque leurs prophéties concordaient avec ses vœux. Patiente, parce qu’éternelle, elle ne s’est point beaucoup émue de voir la femme moderne rompre en visière au divin et prétendre, réduite à ses seules forces, faire la route de la vie. D’avance, elle était certaine qu’une expérience amère ramènerait les révoltées vers les sources de la consolation dont elle dispose, et que, pas plus que l’homme, la femme ne trouverait, en fin de compte, un port de paix dans l’aridité des certitudes scientifiques.


VI

Dominant, en effet, les partis pris d’une réaction littéraire qui revenait à la religion sans la foi, et, d’autre part, les docilités d’une jeunesse qu’aucun doute n’a effleurée, cinq des poètes, parmi les plus notoires de ce dernier quart de siècle, MM. Édouard Schuré, Louis Le Cardonnel, Adolphe Retté, Charles Guérin, Francis Jammes, se sont sentis enlevés au-dessus d’eux-mêmes par cette brise religieuse qui soufflait de terre, et, dans leurs cœurs, où tant de passions humaines avaient battu, ont senti Dieu.

Le cas de M. Schuré est un peu spécial : parti du positivisme scientifique des Strauss et des Leconte de Lisle, M. Schuré se cantonne sur le terrain purement philosophique et semble n’aboutir, en somme, qu’à des affirmations de spiritualité. Cela tient sans doute aux origines du poète élevé en Alsace dans la tradition luthérienne. On ne pouvait attendre que, nourri dans la discussion des textes, qui est de tradition dans les familles où la culture biblique est très forte, M. Schuré vînt, à la faveur de la poésie, aborder dans le port catholique. Il n’est pas l’apôtre de la foi qui s’abandonne au dogme. La croyance lui apparaît comme une conquête de la pensée virile. Pour l’atteindre, il a parcouru les grandes routes de l’histoire ; bardé de fer tel un chevalier moyen-âgeux, il est allé assiéger, forcer dans leur retraite, arracher aux ombres où ils se dissimulent, les penseurs qui relient les mystères de la terre aux mystères du ciel et qu’il considère comme Les grands Initiés. Avec eux, appuyé sur toutes les ressources de la volonté et de l’intelligence