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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/127

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sa Petite église habillée de feuilles, — avec des âmes simples qui, jamais, n’ont connu les incertitudes de la foi :


… Je veux voir, car je suis plongé dans ce mensonge
Qu’est la vie qui n’est pas la vie. Que Dieu me plonge
Dans ce qui est ! Pleurez, ma chercheuse d’oronges,
Mon amie, dont la voix perçait le cœur des bois :
Si douce qu’elle fût, il me faut une voix
Plus douce et une amour plus douce encore que toi !…
Choses, je ne vous ai pas vues encore… Roses,
Comment donc êtes-vous au Ciel où est éclose
La Rose de mon Dieu où mon Dieu se repose ?…


Étrange phénomène : celui qui ne cherchait que de la paix pour son intelligence, éprouve soudain, dans son cœur, une joie inconnue. Il faut qu’il la crie :


J’ai faim de toi, ô joie sans ombre ! faim de Dieu…


M. Francis Jammes n’a pas voulu que l’on se trompât sur le sens véritable de ces invocations et sur l’adhésion qu’elle comporte à une règle de vie nouvelle. En tête de l’un de ses derniers volumes, il a noté :

« Les poèmes En Dieu et l’Église habillée de feuilles ont été écrits après mon retour au catholicisme, l’un en 1906, l’autre en 1905[1]. »


VIII

En face de ces vocations sincères, de ces morts chrétiennes, de ces retours à la foi atavique, il n’est peut-être plus permis de dire, comme on le présumait il y a vingt ans, que le mouvement religieux qui se manifeste dans la poésie est sans profondeur, superficiel et étranger au sens vrai du christianisme.

Le dogme à lui seul ne fait pas naître l’élan lyrique. L’expérience d’une jeunesse exactement disciplinée, qui aspire à mettre en vers ses sentimens pieux, démontre qu’en endiguant à l’excès l’inspiration poétique, on risque de la glacer. La poésie est, de sa nature, un génie ardent, inquiet et qui doit rester libre.

D’autre part, l’exemple des Verlaine, des Louis Le Cardonnel,

  1. Clairières dans le ciel, 1906.