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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/138

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de 33 pour tout le royaume et dénommés « prévôts des maréchaux, » avaient, en vertu de traditions fort anciennes, ultérieurement réglementées par des ordonnances royales, acquis le droit d’instruire eux-mêmes, assistés d’un assesseur civil, certaines affaires concernant soit les vagabonds et récidivistes, soit des crimes estimés plus que d’autres dangereux pour l’ordre public, tels que les vols sur les grands chemins, certains vols avec effraction, les séditions, les attroupemens illicites, la fausse monnaie, etc. ; ils participaient ensuite à leur jugement dans un tribunal formé par les juges présidiaux et où ils siégeaient eux-mêmes.

Certainement l’idée de rétablir une telle juridiction, considérée comme particulièrement monarchique, bien qu’elle eût été l’objet de sévères critiques de la part de magistrats de l’ancien régime, flattait singulièrement les sentimens de la majorité des députés. Mais qui ne voit qu’on ne l’avait rétablie qu’en apparence ? Il n’y avait point de rapport entre les anciens prévôts, officiers en activité, n’exerçant des fonctions judiciaires que comme un accessoire de leurs attributions militaires et les nouveaux prévôts, officiers en retraite ou distraits de l’activité, auxquels on ne donnait d’autre rôle que celui déjuges d’instruction dans un tribunal criminel. Cette institution de juges d’instruction militaires ne devait donc plus apparaître que comme un débris suspect d’un ordre judiciaire aboli, introduit maladroitement dans l’organisation moderne, où il ne pouvait trouver place pour fonctionner normalement.

Il nous reste enfin à signaler la disposition qui fut certainement de beaucoup la plus néfaste et la plus périlleuse de la loi de 1815 : la suppression complète dans la procédure prévôtale du contrôle de la Cour de Cassation. Sans doute les arrêts de condamnation des Cours spéciales se trouvaient déjà soustraits à ce contrôle, — et cela était fâcheux, — mais du moins la justice spéciale ne pouvait être saisie d’une affaire sans que la Cour de Cassation eût examiné la légalité de l’arrêt de renvoi et confirmé la compétence. C’était cette garantie essentielle qu’on anéantissait délibérément, en décidant que les arrêts de compétence rendus par les Cours prévôtales elles-mêmes seraient désormais vérifiés par les Cours royales dans chaque ressort. Il semble qu’on n’ait pas aperçu la portée de cette modification, car l’exposé des motifs se borne à invoquer brièvement les « trop