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Mais plus embarrassant encore était le choix des magistrats. Le personnel en fonction était toujours, pour la plus grande partie, celui de l’ancienne magistrature impériale. Une sorte de stage lui était alors imposé, en vertu de l’article 08 de la Charte, qui n’accordait le bénéfice de l’inamovibilité qu’aux juges « nommés par le Roi. » Cette « investiture royale » n’était conférée que peu à peu, à ceux des magistrats dont le ralliement au régime nouveau paraissait sincère et les autres ne se trouvaient maintenus qu’à titre provisoire. Qu’on ajoute à cela que le garde des Sceaux n’avait point la faculté de composer à son gré un corps de juges prévôtaux en en prenant les élémens dans la magistrature entière, mais qu’il devait se borner à désigner ceux des juges du tribunal du lieu où siégeait chaque cour prévôtale qui seraient chargés de ce service spécial, et l’on conçoit tout l’embarras d’un ministre désireux, comme il était en somme légitime, de n’appeler à siéger dans les nouvelles Cours que des hommes dévoués à la Monarchie. Une circulaire ministérielle du 20 février 1816, adressée aux procureurs généraux afin d’aviser ceux-ci des délais assez longs qui seraient nécessaires pour l’organisation des Cours prévôtales, ne fait nul mystère des raisons politiques qui occasionnent ces retards.

Et, de fait, cette organisation fut lente. La plupart des nominations des présidens et des prévôts ne parurent au Moniteur qu’en février, mars ou même avril 1816. Puis il fallut que les prévôts rejoignissent leurs postes, qu’on installât les Cours selon les formes légales, et généralement ces installations, auxquelles devaient procéder des conseillers délégués des Cours royales, furent ajournées, pour éviter des frais, jusqu’aux époques des sessions d’assises : il résulta de toutes ces circonstances que la majorité des Cours ne se trouvèrent constituées et prêtes à fonctionner que vers la fin d’avril 1816. On peut constater que, dans 22 départemens seulement sur 86, il existe des arrêts antérieurs au mois de mai, dans 13 seulement antérieurs au mois d’avril.

Pendant ce temps, que devenaient les affaires prévôtales ? On s’aperçut bientôt que, celles-ci n’ayant pas encore de juges, le premier résultat de la loi allait être, contrairement à son but, de retarder la répression d’infractions qu’on avait estimé nécessaire de soumettre à une procédure particulièrement rapide. Personne n’avait semblé prévoir cette conséquence, cependant