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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/145

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des divergences de jurisprudence insolubles entre les Cours. Elles portèrent notamment, — et la matière était importante, — sur les caractères légaux des manifestations séditieuses par écrits ou discours que la loi de 1815 avait entendu réserver à la justice prévôtale. Le texte était obscur : aussi le plus beau désordre règne-t-il sur ce point dans la jurisprudence des Cours, dont les unes retiennent la plupart des affaires comme crimes, tandis que les autres, — plus nombreuses heureusement, — en renvoient une grande partie aux juges correctionnels. Mêmes divergences sur les circonstances de fait qui pouvaient donner à une réunion le caractère séditieux et justifier la compétence prévôtale. Certes, dans ces deux cas, la correspondance ministérielle nous apprend que le garde des Sceaux conseilla l’application la plus indulgente de la loi ; mais que valaient ces recommandations officieuses, alors qu’on s’était enlevé tout moyen légal de faire établir une unité de jurisprudence ? Les Cours ne pouvaient même pas se mettre d’accord, à propos des vols et assassinats sur les grands chemins, sur le sens à attribuer à ce dernier terme, les unes l’appliquant à toutes les voies de communication, les autres aux routes nationales et départementales seulement.

À la vérité, le ministre usa quelquefois de la voie exceptionnelle du pourvoi dans l’intérêt de la loi pour saisir la Cour de Cassation de questions relatives à des irrégularités de procédure. Cette Cour put ainsi poser quelques principes utiles[1]. Mais ces pourvois ne concernant que des questions de forme, étaient d’une portée restreinte, et le dommage que souffrait la justice du fait de la divergence de la jurisprudence des Cours devint vite si éclatant que, dès le 18 septembre 1816, le garde des Sceaux écrivait au procureur général d’Aix que le gouvernement demanderait certainement le rétablissement du contrôle de la Cour de Cassation, au cas où il solliciterait une prorogation de la loi en 1818.

Maintenant que nous connaissons les conditions où fonctionna

  1. Voyez notamment les arrêts des 6 septembre 1816 et 24 octobre 1817 rendus à l’occasion des affaires de juin-juillet 1815 à Montpellier : la Cour décida que pour les crimes ressortissant aux Cours spéciales antérieurs à la loi de décembre 1815, les formes du Code d’Instruction criminelle devaient être observées, au lieu de la procédure prévôtale.