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l’auteur de l’article 7 préleva, sur les fonds secrets, une somme de vingt mille francs qu’il remit au P. Augouard. Celui-ci trouva aussi le meilleur accueil auprès de Félix Faure, alors sous-secrétaire d’État aux Colonies et, à Bruxelles, auprès de Léopold II, qui lui parla avec enthousiasme de l’avenir du Congo.

Le 29 janvier 1885 le missionnaire regagnait Linzolo où son remplaçant, le P. Pâris, l’attendait impatiemment. Bientôt l’œuvre commençant à se développer, les deux religieux voulurent pousser plus loin leur exploration. Un agent de l’État indépendant les prit à bord de son petit vapeur à roues En Avant, remorquant une autre embarcation, pour remonter, dans la direction de l’Equateur, le fleuve qui, du Stanley-Pool aux Stanley-Falls, redevient navigable, malgré quelques rapides, pendant plus de 1 600 kilomètres. La navigation fut laborieuse, car les bateaux, très chargés, avaient grand ‘peine à doubler les courans et à franchir les rapides ; en outre, les passes étant inconnues, il fallait avancer la sonde à la main. Il y eut des échouages continuels amenés, tantôt par les rochers ou les bancs de sable, tantôt par les hippopotames qui pullulent dans ces parages. La nuit, la place manquant sur les bateaux (car on était nombreux : 7 blancs et 40 noirs), on allait camper à terre : nuits cruelles troublées par d’innombrables moustiques, par le beuglement des hippopotames, souvent aussi par le voisinage des fauves (chats-tigres, panthères ou léopards) et celui des crocodiles dont une forte odeur de musc révèle la présence.

En cours de route, les missionnaires débarquèrent plusieurs fois pour explorer le pays. Ils allèrent ainsi saluer le fameux Makoko, « un roitelet comme on en rencontre tant en Afrique ; » mais c’est en concluant un traité en règle avec ce « roitelet, » et en lui attribuant une importance exagérée, que Brazza avait pu s’installer sur la rive Nord du Congo et assurer à la France la possession d’une immense colonie. Au reste, Makoko s’entoura de tout l’appareil de la souveraineté pour recevoir ses visiteurs. Étendu sur une peau de tigre et revêtu d’un pagne à fleurs d’or, il tenait en ses mains un sceptre qu’il passa bientôt à la Reine. Le P. Augouard, ayant parlé de Brazza, vit aussitôt la figure de Makoko s’épanouir. En revanche, il suffisait de lui parler des Anglais pour le mettre en colère. À leur départ, les missionnaires furent accompagnés par les « souverains » et