Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/179

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

marché de pair avec les progrès matériels ; il put donner la confirmation à 32 chrétiens.

Le P. Moreau avait complété son œuvre en fondant, près de la mission et avec l’aide de la Société anti-esclavagiste, un « village de liberté » appelé Saint-Henri (en l’honneur du vénéré M. Wallon, alors président de la Société) où se groupèrent un certain nombre de ménages chrétiens ayant chacun leur maisonnette, leurs plantations, leur basse-cour et possédant ainsi un bien-être que jusqu’alors les noirs ne soupçonnaient pas[1]. De tels résultats ne furent pas obtenus sans peines ni sans sacrifices : en peu d’années cinq missionnaires succombèrent à leurs fatigues ; un autre, à peine débarqué, fut happé par un caïman.

À peine rentré à Brazzaville, Mgr Augouard repartit sur le Diata-Diata (qui, grâce à ses faibles dimensions, peut naviguer au milieu des écueils de l’Alima) et alla visiter les établissemens de Sainte-Radegonde et de Notre-Dame de Lékété. Les missionnaires avaient obtenu de nombreuses conversions dans ce pays ; malheureusement les féticheurs, auxquels les indigènes attribuent un pouvoir redoutable, y conservaient encore une influence redoutable. Entre autres traits, on raconta à l’évêque qu’un de ces sorciers venait de rappeler à la vie un homme enterré depuis plusieurs années !

Au mois de juillet 1899, le vicariat du Gabon se trouvant dans l’impossibilité de ravitailler et de desservir la mission de Franceville (à 1 100 kilomètres de la côte par le fleuve Ogoué), demande à Mgr Augouard de rattacher provisoirement cet établissement à son vicariat. L’évêque de Brazzaville accepte cette nouvelle charge ajoutée à tant d’autres : ayant organisé sa caravane avec le P. Leray, il part à pied, traverse les immenses plaines dénudées, les sables brûlans des Batékés. La marche est plusieurs fois interrompue par des cours d’eau ; alors, on abat des arbres dont les troncs sont jetés au-dessus de l’obstacle. Chaque fois ce travail cause un retard de deux heures ; on se console en songeant que le retour sera plus facile. Il faut faire des prodiges d’équilibre pour passer ainsi les rivières, et les missionnaires, peu habitués à ces tours d’acrobatie, prennent quelques bains forcés, mais rien n’altère leur belle humeur. Après plusieurs jours de marche, ils arrivent à Franceville où leurs confrères les accueillent avec une joie d’autant plus grande que, depuis

  1. Plusieurs autres villages de liberté ont été fondés depuis au Congo.