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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/189

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des cordonniers, des télégraphistes, des téléphonistes, (voire des chefs de gare pour le chemin de fer du Congo belge). Depuis dix-huit ans, c’est la mission d’Oubanghi qui fournit à notre colonie tous les travailleurs dont elle a besoin. Dans le Haut-Congo seulement, Mgr Augouard a fondé 10 centres de mission, 10 écoles professionnelles, 22 écoles primaires et une école secondaire fréquentées par environ 1 600 élèves, sur lesquels 600, arrachés à l’esclavage ou à la marmite des Bondjos, sont à la charge des missionnaires qui les ont rachetés. C’est grâce à nos religieux que le français est parlé maintenant presque partout au Congo. Jusqu’à ces dernières années, le gouvernement ne possédait pas d’hôpital. Celui des Pères du Saint-Esprit fonctionne depuis seize ans. Les sœurs de Saint-Joseph de Cluny, qui le desservent, ont ouvert aussi un lazaret pour les noirs atteints de la maladie du sommeil, mal très contagieux et faisant chaque année des milliers de victimes.

Au mois de juin 1909, le sultan Ethmann, du Haut-Oubanghi, étant descendu à Brazzaville, fut promené partout par un officier supérieur qui voulait lui montrer la force de notre pays. Le gouverneur, M. Merlin, l’ayant reçu solennellement, entouré de tout son état-major, lui demanda ce qui l’avait le plus vivement frappé à Brazzaville : « C’est la mission, » répondit Ethmann. Le même sultan disait aux Pères du Saint-Esprit : « Vous devez être bien payés, plus cher que les autres blancs. » Quand il apprit que les missionnaires travaillaient gratuitement pour Dieu, pour la France et pour le salut des nègres, son admiration ne connut plus de bornes.

Nous avons dit les services rendus à la colonie et aux explorateurs par les bateaux de Mgr Augouard. Ceux-ci sont d’ailleurs constamment employés à transporter gratuitement les lourds sacs de la poste. Une machine appartenant à l’administration est-elle avariée ? C’est encore à la mission que l’on s’adresse pour les réparations. Or, comment tant de services sont-ils récompensés ? Autrefois, nous l’avons vu, Jules Ferry reconnaissant l’œuvre patriotique accomplie par nos religieux au Congo, avait donné une somme de 20 000 francs à celui que Jules Simon appelait « un grand Français. » Depuis les idées ont marché et le gouvernement, après avoir diminué chaque année la faible subvention accordée jadis, non aux Pères du Saint-Esprit, mais à leurs écoles, l’a radicalement supprimée