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A Westminster, tout le temps ce sont les morts qui ont parlé, pour employer cette métaphore que mon ami à jamais regretté, Eugène-Melchior de Vogué, a fait entrer dans la langue courante, et ils ont tenu un beau langage. Seules l’Église et la noblesse ont été représentées ; seules elles ont joué un rôle. Les vivans n’ont rien dit. Ils étaient là cependant, représentés en particulier par les membres de la Chambre des Communes, auxquels il avait fallu distribuer des invitations en beaucoup plus grand nombre qu’au couronnement précédent, et aussi par leurs femmes et leurs filles, qui ne figuraient point dans la tribune des pairesses et qui n’ont pas dû voir grand’chose. Ils l’étaient encore par ces membres des Trades Unions dont le Roi a fait inviter quelques représentans. Qu’ont pensé ces vivans, dont on n’a pas entendu la voix ? Les vivans ont bien cependant le droit de dire leur mot, car enfin, ces morts, dont on nous conseille si souvent d’écouter la voix, ils ont été aussi des vivans en leur temps, et s’ils avaient été aussi silencieux qu’on semble parfois demander de l’être aux vivans d’aujourd’hui, je ne sais pas trop ce que nous aurions à écouter. Encore une fois ces vivans, que pensent-ils ? Que disent-ils ?

L’immense acclamation qui, me dit-on, a accompagné hier Leurs Majestés tout le temps de leur retour de Westminster à Buckingham Palace ne suffit peut-être pas à traduire leurs sentimens. Je veux en chercher encore l’expression dans les journaux de ce matin. J’en parcours un grand nombre, pour voir si j’y trouverai une note discordante. Chez tous, l’enthousiasme paraît égal. Tous s’accordent à célébrer la magnificence de la cérémonie, et à constater l’enthousiasme avec lequel le Roi a été acclamé. C’est à peine si je trouve une certaine dissonance dans le Daily News, le grand journal radical, le seul qui à Londres, dont toute la presse est unioniste, soutienne le Cabinet. Il se plaint qu’au dehors, la troupe ait été employée en trop grand nombre. Cela lui paraît contraire à l’esprit de la Constitution. Il trouve aussi que dans les cérémonies qui se passent à l’intérieur de l’Abbaye, les pairs ont joué un rôle trop grand et qui n’est pas conforme à la réalité des faits. Il faudra dans l’avenir inventer quelque chose pour que les Communes tiennent leur place dans la cérémonie. Mais aucun journal ne se complaît davantage à raconter, à détailler les manifestations de la joie populaire, qui se traduisait dans les rues de façon diverse, et qui