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DE L’INFLUENCE
DE
THÉOPHILE GAUTIER

Ce n’est pas de Théophile Gantier que je veux parler au jourd’hui, mais de l’influence qu’il a exercée ; ou c’est moins de lui que je veux parler que de ce qui me paraît qui est né de lui.

C’était avant tout un peintre, « un homme pour qui le monde extérieur existe, » définition qu’il a donnée de lui-même ; mais, remarquez-le, pour qui le monde extérieur existe comme dessin et comme couleur, comme lignes et comme taches précises, non, ou peu, comme mélodies, comme harmonies et comme musique. On peut se demander si Gautier a entendu les oiseaux chanter et si un torrent a été pour lui autre chose qu’une magnifique écharpe blanche ou irisée. Il était peintre ; il l’était tellement que tout le monde a remarqué qu’il aime mieux le plus souvent, par une « transposition d’art, » peindre par la plume un tableau de peintre que la nature elle-même ; que, du moins, c’est là qu’il triomphe et que l’art est pour lui, non la nature vue à travers son tempérament, mais plutôt la nature vue à travers un tableau, réel ou supposé. Quand le tableau existe, il y a une simple transposition d’art ; quand il n’existe pas, on sent que Gautier s’est mis dans un état d’âme de peintre et de tel peintre, pour peindre la nature. « C’est un Rosa, c’est un Zurbaran » et c’est le fragment de nature tel