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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/351

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et Minho, de Tra os Montes et de Beira, avec l’idée de les garder et de procéder un jour à un partage du pays avec l’Espagne. Le traité, qu’il avait refusé de ratifier d’abord, fut définitivement signé à Madrid, le 29 septembre 1801. La contribution de guerre était portée à 20 millions et une partie de la Guyane nous était concédée.

La question des subsides n’était pas celle qui intéressait le moins Bonaparte, fidèle à la politique révolutionnaire qui consistait à faire payer, aux vaincus ou aux alliés, un prix exorbitant pour notre clémence ou pour notre amitié. Le Portugal passait d’ailleurs pour un des États les plus riches de l’Europe ; la possession de ses colonies, surtout celle du Brésil avec les fameuses mines de diamans, avait contribué à former une sorte de légende, d’après laquelle le souverain qui régnait à Lisbonne devait disposer de trésors dignes de ceux d’un monarque asiatique. On parlait de plus de 400 millions en or ; quant aux diamans, la valeur en était incalculable[1].

Dans la pensée de Bonaparte, le Portugal devait donc, de même que l’Espagne, jouer le rôle d’un riche banquier qui sacrifie une partie de sa fortune pour sauver sa vie. Plus tard, on exigerait que l’argent et les vaisseaux des deux États ibériques servissent à la France pour sa lutte contre l’Angleterre. À l’époque où nous sommes, on ne parlait encore au Régent que de contribution pécuniaire. Veiller à l’exécution du traité de Badajoz en ce qui concerne le paiement exact de ce subside, d’une part, et, de l’autre, combattre et vaincre l’influence anglaise, telle était la double tâche qu’allait avoir à remplir le représentant de la France à Lisbonne ; tâche difficile, car nous avons vu quelle était la puissance des liens qui rattachaient le Portugal à l’Angleterre. Cette double tâche, ce n’était pas à un diplomate, c’était à un soldat, à un des plus glorieux de cette époque glorieuse entre toutes, que le Premier Consul la confiait, au général de division Lannes.


I

Jean Lannes, né à Lectoure le 10 avril 1769, d’un modeste cultivateur, engagé en 1792, avait combattu toujours au premier

  1. Observations sur le traité de paix à conclure avec le Portugal (Archives du ministère des Affaires étrangères).