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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/371

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La tension amenée entre la Cour de Lisbonne et le ministre de France par l’incident Subervie paraissait assez sérieuse au ministre des Relations extérieures pour qu’il saisît par un rapport spécial le Premier Consul de la question (10 messidor, 29 juin 1803), Lannes, ayant suspendu sa correspondance avec la Cour de Lisbonne, demande des ordres pour sa conduite ultérieure. Ces ordres, ce seront des conseils de conciliation : « Quant à l’affaire du citoyen Subervie, le Premier Consul en a examiné les circonstances avec attention ; d’après la lecture des pièces jointes à vos lettres, il a pensé que si l’on vous a fait une satisfaction convenable, il serait plus à propos d’étouffer cette affaire, que de lui donner un plus long éclat, et alors vous voudrez bien reprendre les communications avec le gouvernement portugais[1]. »

Ironie des choses : pendant qu’à Paris on prépare à l’adresse de Lannes ce désaveu et ce blâme déguisé, qui lui est adressé par la poste et non par un courrier, à Lisbonne, le ministre de France se voit l’objet des démonstrations les plus flatteuses de la part du gouvernement portugais, visiblement inquiet de la manière dont le Premier Consul va juger la situation. Ce sont les ministres qui viennent le voir, c’est celui de la Marine, M. de Souza, qui lui fait « en son nom et au nom de M. d’Almeida de telles avances » que Lannes ne peut « douter de leurs dispositions. » C’est le Prince qui lui envoie son portrait enrichi de diamans et les plus belles armes qui aient peut-être été fabriquées encore dans les arsenaux portugais. Ce présent était accompagné des témoignages les plus vifs de considération.

Puis, tout à coup, brusque revirement. Le 4 thermidor (23 juillet), quand Lannes se rend à Queluz pour y remercier le Régent de ses aimables procédés, quelle n’est pas sa surprise d’entendre Don Joaö, « tout en redoublant d’égards et de protestations d’attachement pour lui, » faire « clairement entendre » à son interlocuteur que « connaissant les intentions du Premier Consul, il ne pourrait éloigner Pina Manique. »

Comment a-t-il pu les connaître, ces intentions ? Lannes affirme que la dépêche de Talleyrand, envoyée par la poste sans être chiffrée, a été « décachetée et lue. » C’est fort possible, de telles indiscrétions ayant toujours été pratiquées ; mais ce qui

  1. Talleyrand à Lannes, 13 messidor (2 juillet) 1803.