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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/394

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œuvres, bien entendu, mais enfin on sait le nom et beaucoup connaissent au moins le Passant. La province, — et je parle même des grandes villes comme Bordeaux, — est très arriérée en littérature, et encore plus indifférente. Pour le peu qu’elle s’en occupe, elle subit sans contrôle l’opinion de Paris. On s’occupe beaucoup ici de ce qui se passe à Paris en politique, et, chose bizarre, on est à la fois frondeur et poltron. On dit du mal de l’Empire et on a une peur atroce de la République. Je ne prétends rien dire des campagnes où, m’assure-t-on, le nom de Rochefort est synonyme de croquemitaine. En somme, l’immense majorité est conservatrice, et si la Révolution éclate, ce sera encore une fois Paris qui l’imposera à toute la France, perspective qui effraye et indigne avec raison les gens de province. Mais tout cela est bien sérieux et je ne sais pourquoi je vous en parle, puisque au contraire ma seule joie depuis mon départ est de ne pas lire un seul journal et d’ignorer tout à fait ce qui se passe. Je n’ai guère pensé à mon poème tous ces temps ; mais je compte m’y remettre bientôt. Au revoir. Ecrivez-moi s’il fait beau à Paris comme ici, si maman peut sortir, comment vous allez, et aussi Sindico, et Sophie, et tous nos amis.

Je vous embrasse. FRANCIS.


Pau, 9 mars 1810.

Ma bonne maman, ma chère Annette,

Pau, où je suis arrivé hier, par un temps un peu gris pourtant, m’a réconcilié avec les Pyrénées. C’est un site admirable Vues de loin, les montagnes sont splendides, et, quant à la ville, elle est très gaie, pleine d’étrangers pas malades du tout, si j’en juge par les teints de lys et de rose (ancien style) des babys anglais, et par la belle venue des Américaines de cinq pieds six pouces que je rencontre à tout bout de rue. Il y a, près du vieux palais où est né Henri IV, un parc superbe avec un horizon !!! je ne vous dis que ça. Mais assez d’impressions de voyage. Comme jusqu’à présent les Pyrénées ne m’ont pas fait faire le moindre vers, je me défie encore d’elles. Mon adresse : Hôtel de France, à Pau, hôtel excellent, bon lit, bonne nourriture, mais le luxe est tel ici que j’ai bien peur que la note ne soit salée. Je vais du reste m’informer des prix. Je vais aller aujourd’hui