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en Orient et en Extrême-Orient, d’où résultait pour nous une situation privilégiée. Bien mieux, les États protestans en subissaient les effets : est-il besoin de rappeler, en Allemagne, l’issue du Kulturkampf, en Amérique, l’évolution qui amena la retouche du régime cultuel en conformité de la hiérarchie essentielle de l’Église ? On est libre de trouver cette puissance politique bonne ou mauvaise, d’en admirer les directions et les résultats, ou bien de la déplorer et de la combattre. Mais qu’elle ait existé, qu’elle ait appartenu au Pape, parce qu’il était le chef de l’Église, et non parce qu’il possédait les Romagnes, le fait est certain et on doit s’excuser, tant il est connu, de le rappeler, même aussi brièvement que possible.

Au surplus, le Pape chef de l’Église, et non le souverain des Romagnes, exerçait dans le monde civilisé une autre action dont tous les États constataient, chacun chez soi, les infinies conséquences. Et cette action caractérise, encore mieux que la puissance politique, la nature vraie de la souveraineté pontificale ; car elle est encore plus étrangère aux intérêts exclusivement matériels, aux questions de territoire, d’industrie, de commerce. Elle apparaît toute morale, et on ne lui trouverait aucune analogie. De ce que des peuples divers, ou des fractions importantes de ces peuples professent une religion et en acceptent les ministres comme directeurs de leur conduite, il résulte que le Pontife suprême de cette confession dispose d’un pouvoir immense sur les âmes. C’est parce qu’ils en étaient convaincus que les gouvernemens internationaux ont reconnu dans le Pape la plus haute personne morale de l’univers.

Ainsi s’explique et se résout la contradiction qu’on pourrait relever, à travers l’histoire, entre la faiblesse matérielle du souverain des Romagnes, et la place éminente qui lui a été donnée parmi les souverains. Il l’occupait déjà avant les donations de Pépin le Bref et de Charlemagne, et c’était bien alors le chef de l’Église, non le chef d’un État, qui était traité en souverain. Un territoire lui fut ensuite abandonné. Mais sa qualité propre, son titre de Pape et l’autorité qu’il renferme, étaient hors de proportion avec l’étendue de ce territoire. Loin de le réduire au traitement que comportait ce mince royaume, on accumulait sur sa tête honneurs et prérogatives. C’est donc que la constitution d’une puissance temporelle n’était qu’un événement secondaire dans l’histoire de cette souveraineté. La force