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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/420

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si compliquée, si haute, si difficile qui s’appelle la politique étrangère. Mais il est vraiment peu intéressant de voir comment naît la souveraineté ; car dans les relations des différens peuples, par conséquent dans le droit international, vainement la souveraineté d’un État serait née si elle n’est pas reconnue, de sorte qu’on a pu dire que, dans les relations internationales, c’est de la reconnaissance faite par un État au profit d’un autre que naît cette souveraineté elle-même. Eh bien, s’il en est ainsi, tout revient à savoir si, en France, la souveraineté du Saint-Siège est reconnue. Or quel doute est possible, quand le Président de la République, usant de sa prérogative constitutionnelle, celle qui met en relation et en contact avec lui les représentans des puissances, reçoit, accepte les lettres de crédit par lesquelles le nonce apostolique devient en France l’ambassadeur du Pape ? »

C’était, il est vrai, comme avocat, à la barre du tribunal de Montdidier, dans le procès Du Plessis-Bellière, que Waldeck-Rousseau prononçait ces paroles. Mais elles exprimaient aussi bien son opinion d’homme d’État ; et lorsque, quelques années plus tard, en 1901, il était président du Conseil, le garde des Sceaux, évidemment d’accord avec lui, écrivait au procureur général de Dijon, au sujet du même drapeau pontifical qui valut des poursuites à M. Pavie :

« En réponse à votre lettre du 26 juillet dernier, relative aux poursuites exercées contre M. P…, avocat, pour avoir arboré un drapeau aux couleurs blanche et jaune, et avoir contrevenu, etc., je vous informe que, d’après une communication de M. le ministre des Affaires étrangères, le drapeau pontifical, aux couleurs étrangères blanche et jaune, est celui d’un souverain. »

Il se trouve que le garde des Sceaux du ministère Waldeck-Rousseau, qui signa cette lettre, était hier président du Conseil : c’est M. Monis.

Par leur énergie et par leur identité, ces déclarations successives sont, en elles-mêmes, décisives. Elles le sont à la fois, parce qu’elles émanent d’hommes d’État qui représentaient le gouvernement de la France, et parce que la question qu’elles ont résolue est avant tout une question gouvernementale. C’est du gouvernement d’un pays, non pas de ses Cours de justice, qu’il dépend de reconnaître ou non une souveraineté étrangère. Il