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d’une façon plus frappante par le fait que c’est une loi unilatérale. Il eût été naturel que, voulant remplacer un régime cultuel par un autre, notre gouvernement cherchât à s’entendre avec le Saint-Siège : il ne l’a pas fait ; la loi a été discutée, votée, promulguée sans que, à aucun moment, une conversation ait été engagée entre Paris et Rome. Il eût été conforme aux usages internationaux que, voulant supprimer chez elle le Concordat, la France le dénonçât d’abord au souverain pontife. Elle ne la pas fait ; et de cette omission il résulte, en droit strict, que si, demain, les Chambres décidaient d’abolir la loi de séparation, il ne serait pas besoin de conclure avec le Pape des accords nouveaux ; on retrouverait intact le Concordat. Toutes ces raisons prouvent surabondamment que, depuis 1904, la souveraineté du Pape est restée ce qu’elle était au temps où le gouvernement français entretenait un ambassadeur auprès du Vatican. La Chambre criminelle s’est d’ailleurs gardée d’attribuer aux événemens français de 1904 un effet qu’ils ne pouvaient pas avoir. Ce n’est pas sur eux qu’elle a fondé son arrêt. Mais pourquoi donc a-t-elle attribué aux événemens italiens de 1870 une action différente, une action effective ? Pourquoi est-elle venue se heurter à l’objection écrasante, tirée de ce que nous avons traité le Pape comme un souverain, à la face du monde, dans le temps même où elle déclare qu’il ne l’était plus ? La réponse est sans doute que le matérialisme, en droit comme en philosophie, ressemble à ces miroirs qui déforment la vérité. Spuller formulait la vérité complète et profonde le jour où il disait : « Croyez-vous que la souveraineté du Pape tienne à une motte de terre ? »


LOUIS DELZONS.