Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/424

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

temps. Les gouverneurs généraux d’alors, MM. Tirman et Jules Cambon, en profitèrent pour habituer peu à peu l’opinion publique à l’idée d’une autonomie administrative et fiscale de l’Algérie ; des parlementaires vinrent sur place étudier la colonie et rapportèrent en France, avec une impression profonde de ses ressources latentes, la conviction raisonnée que les rattachemens lui étaient mortels ; telle est la conclusion d’ensemble qui se dégage des rapports de la Commission sénatoriale d’enquête que présida Jules Ferry (1892), des beaux travaux, restés classiques, de Burdeau (1891) et de M. Jonnart (1892).

Un décret, daté du 31 décembre 1896, marque le point de départ des réformes : il spécifie que le gouverneur général « sera consulté sur la nomination de tous les hauts fonctionnaires ; » ceux-ci toutefois gardent le droit de correspondre directement avec leurs chefs techniques, à Paris. Peu après, sur la proposition du gouverneur général Laferrière, le décret du 23 août 1898 institue les Délégations financières algériennes ; ce n’était là encore qu’un Comité consultatif, aux pouvoirs fiscaux mal définis, malgré son titre, mais recruté d’après un principe judicieux de représentation des intérêts : colons, « non-colons, » indigènes musulmans formaient trois délégations ; pour les deux premières, le vote était réservé aux citoyens majeurs de vingt-cinq ans. Français depuis douze ans au moins, et attachés à l’Algérie par une résidence minimum de trois années ; quant aux indigènes, distingués officiellement pour la première fois en Arabes et en Kabyles, ils devaient avoir des représentans élus par des procédés un peu plus compliqués, et d’autres nommés par le gouverneur général.

Constituées pour la première fois en 1898, les Délégations n’assumèrent leur rôle essentiel qu’en 1901, lorsqu’elles furent appelées à délibérer sur le budget spécial de l’Algérie : la métropole se décidait à émanciper sa colonie et, par une intelligente libéralité, elle comprit que l’émancipation ne pouvait aller sans une constitution de dot. Les débats qui précédèrent le vote du budget spécial sont, à cet égard, très explicites ; il n’est pas question d’abandonner à l’Algérie ses recettes et de lui faire porter immédiatement le faix de toutes ses dépenses ; il est prévu, au contraire, que l’on calculera les dépenses laissées à sa charge suivant les ressources dont elle peut disposer. En chiffres ronds, les recettes réalisées en territoire algérien montaient