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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/445

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le jour où, par leurs enfans élèves du même instituteur, ils avaient eu des interprètes qui les rapprochaient en parlant notre langue. Parmi les Européens, surtout, il est urgent de répandre un enseignement vraiment primaire, modeste dans ses leçons et dans ses préoccupations extra-scolaires et, sans malveillance pour personne, sincèrement, constamment national. Peut-être les programmes devraient-ils être rédigés spécialement pour l’Algérie, et déchargés de complications encyclopédiques qui les alourdissent en France : n’oublions pas qu’il y a là-bas une nationalité non pas à maintenir, mais à former.

Pas plus que d’un enseignement élémentaire, la société algérienne ne saurait se passer de culture générale. Nous en sommes, en Algérie, au même point que les Argentins et les Brésiliens, en arrière de quelques années sur les citoyens du Canada ou des États-Unis. Les programmes purement utilitaires n’ont pas suffi aux jeunes nations nord-américaines, qui multiplient, en ce moment, dans leurs Universités, les chaires réservées aux études spéculatives, désintéressées ; ces réalistes se sont avisés que le matérialisme intellectuel appauvrit les cerveaux autant que les cœurs. Les Latins d’Amérique, de leur côté, grisés souvent par le vertige de leur progrès, se prennent à penser, dès qu’ils réfléchissent, qu’il n’est pas de grands peuples sans un idéal ; ils s’attachent à définir et à stimuler une conscience nationale, pour faire de tous leurs résidens des citoyens. La jeune France d’Algérie n’échappe pas à cette loi générale. Alger a obtenu son Université, votée par les Chambres métropolitaines à la fin de 1909 ; cette Université sera technique, elle étudiera les originalités de l’Afrique du Nord, historiques et géographiques, juridiques et médicales, économiques et artistiques ; mais sa tâche nécessaire sera aussi de défendre, dans toute notre colonie, la culture supérieure française, non pas telle ou telle discipline, telle ou telle carrière d’éloquence ou d’érudition, mais une méthode de travailler et de penser, une forme de sensibilité scientifique et de distribution de la science. Il ne nous déplairait pas, dans cet ordre d’idées, que l’Université algéroise, dégagée des règlemens métropolitains, acquît un « droits de regard » sur toutes les institutions d’enseignement de la colonie.


Cette observation nous conduit à marquer combien il est