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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/552

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Tandis que les Algériens, ravis d’entrer en ligne et de faire, à leur tour, parler la poudre, tiraillaient avec rage, sur des guerriers lointains qui n’osaient plus s’approcher pour riposter à bonne distance, un épisode intéressant rompait la monotonie du combat dans la zone de marche d’une compagnie de marsouins. En progressant à couvert dans un vallon, elle arriva, sans être éventée, à proximité d’une troupe de cavaliers cherardas qui, se voyant découverts, s’enfuirent précipitamment. Salués aussitôt par des salves bien ajustées, l’un d’eux, vêtu d’un manteau rouge, monté sur un cheval superbe, mortellement atteint s’affala sur le sol. C’était, sans doute, un chef important, car la troupe s’arrêta aussitôt, et deux cavaliers s’élancent pour emporter le corps. Ils sont abattus par quelques bons tireurs ; deux autres suivent, qui ont le même sort. Deux nouvelles tentatives n’ont pas plus de succès ; enfin, les survivans terrifiés se décident à s’éloigner. Quand la compagnie, continuant sa marche, arriva sur la place, huit cadavres de guerriers formaient la garde d’honneur du chef défunt dont le magnifique mauser neuf, le sabre à la poignée enrichie de ciselures d’or, la poche à cartouches, élégante et bien garnie, révélaient le haut rang.

Vers trois heures, l’intensité de la fusillade décroît ; les coups de canon s’espacent et cessent. L’oued Zegotta est traversé sans encombre, et c’est dans le calme du soir et le bruit des moissons doucement agitées que la colonne établit son bivouac au Douar-bou-Kachouch, alors que la base des montagnes enfin silencieuses s’estompe déjà dans la nuit. Mais une lueur toute proche apparaît et grandit ; des flammes s’élèvent, chassant une fumée noire dont les volutes épaisses s’illuminent de reflets rouges ; des ombres s’agitent et passent, brandissant des torches dont les éclipses rapides précèdent les éclats de nouveaux foyers. Un brasier immense éclaire maintenant tout le camp et paraît être une revanche des Cherardas qui tenteraient d’anéantir les troupes en les enfermant dans l’incendie des moissons. Mais l’explication n’est pas aussi dramatique : les goumiers de la Chaouïa vengent leurs morts en brûlant un village abandonné. « Ce sont des sauvages, affirme un soldat ; il y avait bien dans les maisons une ration de bois pour toute la colonne, et nous en aurions grand besoin. » Mais, ô surprise ! la corvée de vivres apporte une grosse bûche par escouade et aussi, folles