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prolonger. Depuis deux heures, la colonne était immobilisée ; l’audace des assaillans augmentait ; la forêt fourmillait de guerriers que les détonations d’artillerie faisaient sortir de leurs lointains douars pour courir à la bataille. Il fallait arrêter promptement l’offensive de l’adversaire en lui montrant que nous avions encore en réserve de puissans moyens d’action. Sur l’ordre du colonel, les canons, dont les boucliers étaient martelés par les balles, sont braqués vers les maisons de Nzala. Bientôt les obus à la mélinite font leur œuvre. À travers les épais nuages de fumée noire qui marquent l’éclatement des obus, on voit les terrasses, les pans de mur voler en éclats. Les Cherardas et les Béni Mtir avaient cru le village inviolable ; ils n’avaient jamais supposé notre artillerie douée d’une telle puissance de destruction. Et, sans attendre l’anéantissement complet du village, ils abandonnent la lutte et s’enfuient en poussant des cris éperdus. La route était libre.

Quelques kilomètres plus loin, au passage d’un nouveau col, où les élémens étages de la colonne formaient pendant l’ascension un objectif séduisant, les habitans des villages situés sur les derniers éperons orientaux du Djebel Zerhoun tentaient un retour offensif. Ils croyaient sans doute qu’une distance plus grande rendait leurs maisons plus invulnérables ; mais ils furent promptement désillusionnés. Poursuivis à leur tour par les balles et les obus, ils regagnaient en désordre leurs hauteurs. Un renfort inattendu que recevait le colonel Gouraud leur avait d’ailleurs démontré l’opportunité de cette prudente résolution.

Le général Dalbiez venait d’arriver avec un bataillon mixte de légionnaires et de zouaves, un bataillon de tirailleurs algériens, un bataillon de marsouins, des goumiers, une batterie de 75. Le général Moinier connaissait les dispositions hostiles des Béni Mtir qui battaient la plaine de Fez, et les rencontres du 22 et du 24 mai ; il avait jugé prudent d’expédier du secours à la colonne de ravitaillement qui, près de terminer sa mission, pouvait se trouver exposée à de graves dangers.

Les pertes de la journée étaient légères, grâce à l’éloignement que les dispositions tactiques de nos troupes avaient imposé à l’ennemi. Quelques balles perdues avaient en outre fait des victimes dans les fractions que leur rôle et leur emplacement semblaient mettre à l’abri. Ainsi, un blessé que l’on transportait sur un cacolet jusqu’à la voiture d’ambulance était tué