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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/576

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Il était au galop, poursuivi d’assez loin par quelques hussards français, dont le haut plumet blanc de son chapeau et la plaque de l’Aigle noir brillant sur son uniforme avaient provoqué l’attention et qui le voulaient faire prisonnier. Il gagnait sur eux, grâce à la supériorité de son cheval, lorsque soudain l’animal s’arrêta court ; passant une petite haie, il s’était entravé. Ce brusque arrêt donna le temps à l’un des hussards, le maréchal des logis Guindey, qui avait devancé ses camarades, de joindre le Prince au moment où celui-ci venait de se dégager. « Rendez-vous ! » cria-t-il. Louis-Ferdinand connaissait bien le français, mais il n’entendait pas ce français-là. Il fit face et pour toute réponse tira son épée et en frappa le hussard. Guindey riposta avec son sabre. Un duel furieux et terrible s’engagea entre les deux hommes. Dans cette lutte acharnée, Guindey eut deux blessures qui nécessitèrent un traitement d’un mois à l’hôpital, et le Prince reçut six coups de sabre, dont le dernier le renversa expirant à bas de son cheval. Par cette mort intrépide, corps à corps avec son ennemi, le prince de Prusse racheta pour sa mémoire le lamentable combat de Saalfeld qu’il avait si présomptueusement engagé et si imparfaitement conduit. Tandis que Suchet balayait devant lui tout le terrain jusqu’à la Saale, à sa gauche ses deux autres brigades et le 21e chasseurs s’emparaient du Sandberg et du village de Schwarza et en rejetaient les défenseurs sur la rive gauche de la Schwarza après un grand carnage. Son chef mort, l’un de ses deux généraux captif, ses débris en fuite au Nord et à l’Est, près de 3 000 hommes tués, blessés ou prisonniers laissés sur le champ de bataille avec 34 pièces de canon, 4 drapeaux et tous ses bagages, le corps du prince Louis était pour ainsi dire détruit. Du côté français, il y avait seulement 172 hommes hors de combat. C’est un témoignage que l’ennemi avait fait une défense peu acharnée ; et c’en est un aussi, entre tant d’autres, qu’à la guerre, les pertes des vainqueurs sont toujours beaucoup moindres que celles des vaincus.


III. — LA VEILLE DE LA BATAILLE

Au début de cette campagne, combinée et préparée à loisir par les renommés stratèges de Frédéric-Guillaume tandis que Napoléon était encore à Paris, l’Empereur manœuvra de telle