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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/599

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comme sainte Catherine de Gênes, dans une main un tison et dans l’autre un seau plein d’eau, le premier destiné à brûler le ciel le second prêt à éteindre l’enfer.


III

Cette loi même, absolue, dominatrice, d’autres qui souscrivent à la critique de la métaphysique, à la critique des sanctions, ne peuvent pas l’accepter. Jean-Marie Guyau soutient avec les disciples, — peu fidèles, — de Kant que la morale ne comporte pas de sanctions, mais il soutient avec une égale force qu’elle ne repose pas davantage sur une obligation ; la morale doit être, selon sa formule, « sans obligation ni sanction. » Si la critique a abouti à un résultat, ce résultat a été d’établir que l’on ne peut avoir aucune absolue certitude métaphysique. Ni l’hypothèse optimiste, ni l’hypothèse pessimiste, ni l’hypothèse de l’indifférence de la nature ne peuvent fournir un fondement solide aux commandemens moraux. Le transcendant inconnaissable ne saurait nous commander. Le Devoir, ordre mystérieux et absolu, tel que le comprend Kant, n’offre pas une garantie plus grande. Par cela même qu’il est mystérieux, il est incertain. On ne fonde pas la science sur le mystère. — La morale serait-elle plus solidement fondée sur la foi ? Dire avec Charles Renouvier et répéter avec les néo-kantiens : croire au Devoir est un devoir, il faut croire à la morale sous peine d’être un malhonnête homme, c’est adopter une position désespérée. La raison proteste en nous et ne veut pas que nous abandonnions toute notre vie à une aveugle confiance.

D’où viennent donc les ordres que notre conscience nous donne et que sont-ils s’ils ne sont pas des obligations ? Ce sont des sollicitations et comme des persuasions qui nous viennent de nous-même et qui nous poussent à choisir entre les diverses manières de vivre celle qui nous semble présenter le plus de valeur. Spinoza avait dit : Tout être tend à persévérer dans son être. Guyau fait la même constatation. Dans les minéraux et dans les corps bruts, il n’y a pas de degrés de l’être, mais il y en a dans la vie. Les vivans vivent plus ou moins. Chez un vivant, la tendance à persévérer dans l’être devient la tendance à vivre et à vivre de son mieux. La vie est d’autant meilleure qu’elle est