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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/646

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trente-cinq pieds de haut. Au centre du cratère, un puits grossier ; autour du puits, « une rangée de quatre-vingt-trois trous semi-circulaires, ovoïdes, carrés ou polygonaux, tous d’environ trois pieds d’ouverture. Chaque trou, vu de près, apparaissait soigneusement étayé à l’intérieur de bois flotté et de bambous, et, au-dessus de l’entrée, un auvent en bois, comme la visière d’une casquette de jockey, saillait de deux pieds. » Une odeur infecte emplissait tout l’amphithéâtre. Ce village de cauchemar est la cité des morts vivans, l’endroit où l’on précipite les Hindous qui ont eu le malheur d’échapper à la léthargie ou à la catalepsie, ceux qui se sont réveillés au moment où on allait les brûler. Le captif y rencontre un de ses anciens subordonnés, un employé indigène, obsédé par l’idée de l’évasion, qui a déjà assassiné un Anglais, tombé d’aventure dans ce piège, et qui tente de l’assassiner lui aussi. Morrowbie Jukes avait la fièvre, il est assurément tombé dans un trou de sable ; mais ce qu’il nous raconte est peut-être tout simplement le cauchemar de la nuit qu’il y passa avant l’arrivée du fidèle serviteur parti à sa recherche : cauchemar, en tout cas, aussi précis dans son horreur que la plus horrible réalité. Et la réalité devient toute pareille au cauchemar dans l’infernale vallée où les trois cavaliers, qui donnent la chasse à la jeune métis, sont pris dans les énormes toiles d’araignées poussées par le vent de juillet. Les tentacules de ces masses grises s’agrippent sur eux, de minces voiles gris leur barrent la face, des vrilles grisâtres pendent de leurs membres, qui s’entortillent et s’empêtrent dans les filamens. « Le cavalier maigre à la lèvre balafrée » tomba le premier. Les deux autres s’échappèrent ; mais le chef, « l’homme à la bride incrustée d’argent, » s’était enfui le premier et le tronçon de son épée brisée lui servit à tuer le témoin de* sa panique, « le petit homme qui montait le cheval blanc, » et qui osa lui dire en face qu’il était un lâche…

L’imagination de M. Wells semble s’être détournée de ces jeux, elle est devenue plus réaliste, et, après s’être exercée dans de petits romans railleurs, comme L’Amour et M. Lewisham ou La burlesque équipée d’un cycliste, dont l’humour fait le charme principal, elle s’enferme et se contient dans les grands romans de satire sociale, où il nous dépeint sans bienveillance, telle qu’il la voit et telle qu’il la juge, l’Angleterre de son temps. Il y a beaucoup de verve et d’entrain dans cette critique où l’on