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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/666

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telle qu’elle sera bientôt déterminée, que sortira le motif ou la détermination définitive que le Premier Consul aura à prendre à l’égard de la cour de Lisbonne. » La conclusion, c’est que Lannes ne doit rien faire pour changer cette « position ambiguë qui laisse le gouvernement portugais dans une alternative de crainte et d’espérance dont le résultat ne peut-être éclairé que par la solution de nos difficultés avec l’Espagne. »

Lannes était bien, par son caractère bouillant et généreusement emporté, l’homme le moins fait du monde pour pratiquer une politique semblable. Pour un homme de guerre, n’est-ce pas plus qu’une faute, presque un crime, quand on a remporté un avantage, de ne pas pousser à fond pour écraser définitivement l’ennemi ? En diplomatie, cela peut être souvent une erreur grave. Et, quant à s’effacer personnellement pour subordonner son action, sur un point donné, aux exigences d’une stratégie d’ensemble, on sait qu’une telle abnégation, dont profiteront peut-être des collègues rivaux, est la vertu la plus difficile à demander à un général. Aussi Lannes, continua-t-il, d’une part, à ne laisser passer aucun incident sans protester, et, de l’autre, à presser le Régent afin de l’amener à un traité d’alliance. Ce ne sont que réclamations auprès de Balsemaö, le nouveau ministre des Affaires étrangères, tantôt à cause de la présence dans le port de Lisbonne d’une frégate anglaise, dont le commandant a même osé faire faire la presse dans les rues de la ville, tantôt pour un incident de théâtre où deux Français ont été malmenés, ce ne sont que fréquentes visites chez le Régent, auprès duquel il insiste toujours en vue de le décider à une alliance offensive et défensive. Les dispositions du Prince, extérieurement du moins, paraissent d’ailleurs de plus en plus favorables. Invité par lui à Mafra, où il l’avait été déjà plusieurs fois, sans jamais accepter, Lannes s’y rend avec Mme Lannes, au moment même où les ambassadeurs d’Espagne et d’Angleterre s’y trouvent ; il y rencontre l’accueil le plus « distingué, » car le Prince l’a fait loger au palais, tandis que les autres ministres étaient relégués dans les cellules du couvent, et lui parle de son intention de remplacer, à Paris, M. de Souza par le comte de Garqui, qui « a pris l’engagement formel, de suivre une conduite conforme aux vues du gouvernement français. » Enfin, Dom Joaö accorde une indemnité de 200 000 francs à la famille du Français Mathevon, déporté et dépouillé par Pina Munique pendant la