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et la pompe de cette cérémonie, l’une des plus marquantes qui aient jamais eu lieu en Portugal. »

Le nonce, qui devait officier pontificalement, a été obligé par une indisposition de se borner « à se présenter comme assistant au Temple, » et s’est fait remplacer à la cérémonie par l’archevêque d’Andrinople. Des ordres ont d’ailleurs été donnés pour que ce prélat se rende à l’église dans le même appareil que si c’eût été le nonce ; vingt voitures remplies « d’un clergé nombreux et distingué l’ont accompagné. » Quand l’obscurité vient, la façade entière de l’église est illuminée et le reste pendant toute la nuit ; la porte principale est ornée d’un transparent où l’on voit, réunis, les chiffres du Premier Consul et du Régent, surmontés de cette légende : « Dieu protège la France. »

Le soir, à la Légation, souper, bal et concert, pour couronner cette fête. Mme Lannes brilla de tout l’éclat de sa beauté. Habillée à la dernière mode de Paris, elle portait une robe de satin bleu brodé d’or, assez décolletée, suivant la mode de ce moment, pour que l’on pût voir que la maternité n’avait rien enlevé à la pureté des lignes de son buste. Sa tête était ornée d’un diadème en or et en pierres précieuses, et son cou d’un collier de perles en lapis-lazuli, la couleur des colliers devant, suivant les mœurs élégantes du temps, être en harmonie avec la couleur de la robe ; des gants de peau blanche recouvraient complètement ses bras[1].

Cette journée de fête, qui commence par un Te Deum et qui finit par un bal, marque l’apothéose de la mission de Lannes : triomphe pour lui, pour tout le parti français ; désastre pour le parti anglais et pour le ministre britannique, qui témoigna même son mécontentement d’une manière un peu naïve. Ne s’avisa-t-il pas d’envoyer une note au ministre des Affaires étrangères pour demander à connaître le motif de la fête donnée par Lannes ? Le comte de Villaverde répondit naturellement qu’elle avait eu lieu « pour rendre grâce au ciel de la découverte de la conspiration tramée contre le Premier Consul, que le gouvernement anglais paraissait désavouer d’y avoir pris part, et que, sans doute, son ministre à Lisbonne ne voudrait pas l’avouer, ainsi que paraissait l’annoncer la démarche qu’il venait de faire. »

  1. Notes communiquées par le marquis Gustave de Montebello.