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nous d’autre attrait, et cette qualité a bien son prix, que cette puissance attractive, mystérieuse qu’à défaut d’une expression plus exacte nous appelons leur beauté, sorte de résultante du travail auquel elles soumettent les rayons de lumière après les avoir emprisonnés et transformés. Mais nos pères, moins sensibles, peut-être, à cette qualité, pour nous prédominante, les considéraient sous d’autres aspects. Ils les douaient de propriétés surnaturelles qui en doublaient le prix : l’améthyste dissipait les fumées du vin et se brisait en des mains impures ; l’hyacinthe préservait du tonnerre et de la peste, la turquoise, de tout accident ; l’émeraude calmait les palpitations du cœur ; le rubis donnait la félicité parfaite ; le diamant, le contentement, le courage, la puissance ; lui aussi éloignait la peste et, de plus, « annihilait l’effet des venins et protégeait contre les ensorcellemens et enchantemens, » ce dont il est aujourd’hui, peut-être, permis de douter, après l’aventure de sir Julius Wernher, le roi du diamant. Seules, du reste, les gemmes de l’eau la plus belle, sans défauts, sans occlusions, sans « crapauds, » comme disent les lapidaires, possédaient ces qualités bienfaisantes ; les autres ne pouvaient attirer sur la tête de leurs détenteurs que des calamités sans nombre, des maladies variées, terribles, incurables. Après tout, ces vieilles idées ne sont pas sans contenir quelque part de vérité : la science moderne la plus scrupuleuse ne saurait blâmer tout à fait nos ancêtres d’avoir cru et répété que la possession d’un lot de pierres fines est éminemment apte à calmer les colères les plus violentes, « nourrit et fomente l’amour des mariez, » et « dissipe les vapeurs. » Qui oserait, en effet, mettre en doute l’influence qu’elles peuvent avoir sur les maladies où l’imagination tient le principal rôle ? Qui oserait nier que le présent d’une pierre d’un bel orient ne puisse aider à calmer, du moins pour un temps, certaines mélancolies ?

Nos pères croyaient aussi que les gemmes étaient de véritables êtres vivans, « engendrés, écrivait J. Cardan, par les sucs que distillent des pierres dans les cavités les plus profondes des roches terrestres » (théorie qui n’est pas sans saveur ni vérité) ; que ces êtres naissaient, vivaient, souffraient, vieillissaient et mouraient. La Chimie moderne ou, plutôt, la chimie de Lavoisier, au contraire, les envisage sous un point de vue en apparence moins poétique, mais tout de même plus proche de la vérité, qui devait amener à oser et à réussir leur synthèse,