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discerner parmi les braves gens ceux qui doivent être rangés parmi les premiers, ceux qui doivent être relégués parmi les seconds. Il est donc nécessaire d’avoir recours à des appréciations extérieures. Ces appréciations elles-mêmes, pour être justes, devront dépendre ou de quelque principe idéal ou de quelque consentement social.

C’est ici qu’avec quelques autres, tels que M. Landry ou M. Albert Bayet, intervient M. Belot. Lui aussi veut concilier l’autonomie indispensable à la conscience moderne et la rigueur des exigences scientifiques. Il écarte résolument au début de la morale toute autorité et tout préjugé. La seule attitude qui, selon lui, soit morale est une attitude d’autonomie, c’est-à-dire que l’homme ne peut être véritablement moral qu’à la condition de n’accepter pour bon que ce qu’il reconnaît être tel. « L’autorité, la tradition, l’habitude, l’impulsion instinctive, ne sauraient être par elles-mêmes des principes de moralité. » M. Belot estime par là établir la rationalité de la morale. Mais cette attitude n’est qu’une attitude ; elle nous dit à quelle condition nous découvrirons la vérité morale, elle ne nous dit pas où nous pourrons la trouver, surtout elle ne nous donne pas cette vérité. Pour l’atteindre, il faut avoir recours à l’étude du donné. D’autre part, M. Belot pense comme Kant et presque tous nos contemporains que, pas plus que la raison, la morale n’a besoin de se justifier et de se fonder. Aucune théologie, aucune métaphysique ne pourrait donnera l’impératif moral non plus qu’aux verdicts de la raison une autorité plus grande que celle qui se manifeste, évidente et souveraine, dans cet impératif et dans ces verdicts. Si l’obligation a besoin d’être justifiée, qu’est-ce qui pourra rendre obligatoire l’adhésion de la volonté à la justification ? Et si la raison a besoin d’être légitimée, qu’est-ce qui légitimera les titres d’où la raison tirerait son autorité ? Mais, à la différence de Kant, ou peut-être seulement de ce qu’on dit communément être la pensée de Kant, M. Belot ne croit pas que la raison pratique soit vraiment différente de la raison théorique ; il estime que l’impératif moral doit, pour mériter le nom de catégorique, être d’abord un édit de la raison. La morale n’est morale que si elle est avant tout fondée sur la vérité. Est obligatoire ce qui est vrai ; une loi ne commande à la conscience que si elle exprime la vraie nature des choses. Cependant M. Belot ne consent pas à laisser confondre sa