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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/867

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appelaient bienheureuse, se retiraient en de pareils lieux, ornés de jardins et de fontaines… »

Le plan est semblable à celui de Maser : un bâtiment central carré, flanqué de deux longues ailes plus basses, devant lesquelles court un portique à colonnades, qui devait, suivant le projet de l’architecte, « permettre au propriétaire d’aller partout à l’abri, sans que la pluie ni les ardeurs du soleil pussent le détourner de ses affaires, tout en étant de plus à l’avantage de l’apparence du monument. » La disposition du palazzo est infiniment simple : au milieu, une loggia sur la façade et, derrière, un vestibule menant au salon de réception ; de chaque côté, à gauche et à droite, des chambres correspondant aux quatre angles. La décoration se compose d’architectures simulées et de peintures qui offrent, ici encore, un curieux mélange de tableaux religieux et de scènes païennes : c’est ainsi que les chambres sont dites de Vénus, de la Sainte-Famille, d’Hercule et de l’Ecce homo, suivant le sujet de la fresque principale. Ce qu’il y a de plus parfait, c’est la partie centrale : la belle loggia où une très noble, Cérès vous reçoit, comme il sied, au seuil de cette maison champêtre, le vestibule, dont le plafond est orné des feuillages d’une magnifique treille, et surtout la grande salle, aux harmonieuses proportions, toute décorée de colonnes feintes, de niches et de statues en trompe-l’œil. C’est là que sont les deux meilleures œuvres : la Mort de Virginia et la Continence de Scipion l’Africain. Il n’est pas douteux qu’elles soient de la main de Zelotti ; mais Véronèse n’y a-t-il pas collaboré et dans quelle mesure ? S’est-il borné à donner des indications générales ou a-t-il exécuté certains morceaux ? Là-dessus, on discutera sans doute longtemps. Je crois bien que Véronèse n’est pas étranger à ces fresques. Comme le dit M. Hénard, l’argument qu’elles ne valent pas celles de la villa Barbaro ne prouve rien ; car, de quinze ans plus anciennes, elles sont d’une époque où le jeune Paolo Caliari, sous l’influence directe des maîtres de Vérone, cherchait encore sa voie et n’avait pas eu la révélation de Titien et des grands Vénitiens. Il me semble vraisemblable d’admettre qu’il a composé et dessiné les sujets les plus importans, laissant à Zelotti le soin d’achever seul le travail ; celui-ci était d’ailleurs un coloriste réputé que Vasari déclare supérieur à Véronèse dans l’art de la fresque. La plupart de ces peintures sont négligées et donnent l’impression