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« Eh quoi ! l’épître en vers ! Le genre est bien usé ! »
T’exclames-tu déjà, prenant ton air blasé
Et faisant ta lèvre méchante ;
Las ! Quand de la jeunesse il perdit le duvet
L’oiseau de Poésie est trop souvent muet…
Laissons-le chanter, quand il chante !

À Paris donc, — s’il faut en croire les journaux, —
L’hiver, ce noir serpent aux multiples anneaux,
N’a pas desserré son étreinte ;
La neige trop souvent s’amasse au bord des toits,
Et sur les boulevards et les arbres du Bois,
Le vent traîne sa morne plainte.

Chez nous, le bon soleil aux baisers plus constans
Nous redit chaque jour, ami, que le printemps
Esquisse son premier sourire ;
Et que ce rude hiver qui vous étreint là-bas,
Le terrible dieu Mars, triomphant fier-à-bras,
Ne tardera pas de l’occire.

Viens ! tu trouveras tout comme tu l’as laissé
Lorsque tu nous quittas, en janvier, l’an passé :
La bastide calme et bien close ;
Le jardin planté d’ifs, où les petits oiseaux
Se rassemblent, le soir, parmi les verts roseaux
Caressés par le couchant rose ;

L’escalier dont la rampe est fraîche sous la main ;
Le couloir qui te mène ainsi qu’un droit chemin
À la chambre aux courtines jaunes,
Où t’attend le grand lit fleurant le romarin
Et l’antique pendule où, toujours plein d’entrain,
Pan conduit la danse des Faunes.

Nous saurons respecter tes goûts de vieux garçon.
Tu mèneras la vie égale et sans façon
Que chacun de nous ici mène ;
Et nous égrènerons le chapelet des jours,
Certains de rencontrer un dimanche toujours
À la fin de chaque semaine.