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surprise vient surtout de la pensée qu’un art et une œuvre tels que ceux-là aient pu non seulement être comparés aux chefs-d’œuvre de Raphaël et de Michel-Ange, mais que des hommes se soient rencontrés pour leur attribuer la moindre valeur.

Je ne parle pas ici de la déplorable tendance artistique qui nous y apparaît. Assurément, il est fâcheux que le pauvre Vasari se soit abandonné aussi complètement qu’il l’a fait au mauvais goût de ce style issu des dernières peintures de Michel-Ange, et qui nous est aujourd’hui à peu près intolérable jusque dans les plus savantes productions d’un Daniel de Volterre ou d’un Allori. Mais les styles même les plus démodés comportent encore une certaine mesure de beauté immortelle ; et il suffirait de l’œuvre que nous ont laissée, à Fontainebleau, un Rosso Florentin et un Primatice pour nous prouver que ce style-là en particulier n’était nullement incapable de créer, tout au moins, des ensembles décoratifs d’une grandeur et d’une élégance singulières. Non, c’est indépendamment de ses principes esthétiques que l’œuvre de Vasari se révèle à nous comme l’une des plus misérables qui soient jamais sorties du cerveau et de la main d’un artiste. Impossible d’imaginer invention plus banale, ni médiocrité plus ennuyeuse à la fois dans le dessin et dans la couleur. Que l’on voie notamment, à Florence, ces fresques du Palais Vieux qui y sont désormais l’un des rares vestiges de la féconde activité du peintre attitré des Médicis ! Combien de confusion, dans ces énormes machines, et comme ces figures trop grandes sont maladroitement agencées et quelle pesante atmosphère de niaiserie pédantesque s’en exhale pour nous ! Dira-t-on que l’architecte, chez Vasari, a un peu racheté la faiblesse du peintre ? Le palais des Chevaliers de Saint-Étienne à Pise, l’église de Notre-Dame-de-l’Humilité, à Pistoie, et, par-dessus tout, à Florence le Musée des Offices sont en vérité d’honnêtes constructions suivant la mode du temps, avec une emphase « classique » beaucoup moins déplaisante que celle qui nous importune dans les fresques du même auteur. Mais, là encore, ne sentons-nous pas que tout le mérite architectural résulte uniquement de la direction suivie par l’artiste, sans que celui-ci y ait rien ajouté de personnel et d’original ? Un bon élève, si l’on veut, l’architecte des deux palais de Pise et de Florence : mais où vit-on jamais un élève aussi docilement attaché à mettre en pratique les leçons de ses. professeurs, avec une docilité qui ne lui a pas même permis d’animer son ouvrage de l’ombre d’une vie individuelle ?

De telle manière que l’oubli le plus profond ne pouvait manquer