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Quale per incertam lunam sub luce maligna
Est iter in silvis, ubi coelum condidit umbra
Juppiter, et rebus nox abstulit atra colorum.


« Virgile ne pensait pas aux lumières du siècle, dont on accuse la maligne influence. Ici les différens partis s’agitent pour exploiter la consternation générale à leur profit. Vous avez une manière de voir plus noble, plus grande, plus indépendante. Que Dieu vous fasse voir des jours plus heureux. »

Le courrier qui emportait à Berlin cette lettre pour Hardenberg, en emportait aussi une pour Guillaume.

« Paris, 19 février. — Le bon temps, mon cher Guillaume, où l’on a un frère qui n’est plus ministre, et qui peut vouer aux lettres et aux plus douces affections de l’amitié, un temps qu’il ne pouvait consacrer qu’aux affaires publiques ! Je suis heureux d’avoir souvent de tes lettres, et des lettres qui me retracent vivement l’inconcevable activité de ton esprit. Je n’ai point aujourd’hui le loisir de te répondre comme je le désire, surtout sur l’objet des langues dans lesquelles je suis pourtant bien ignorant, mais qui m’intéressent plus vivement que jamais. Je m’en tiens dans ma réponse à ce qu’il y a de plus urgent.

« Tes explications sur les causes de ta retraite ont entièrement assouvi ma curiosité. Dans tous les grands événemens de la vie, on suppose des causes saillantes ; on oublie que les plus grands effets se produisent tout naturellement par la force des choses, par l’opposition des caractères et des opinions. Je m’étais figuré, comme les journalistes, des grandes querelles dans le Conseil d’Etat, des divergences d’opinions sur Carlsbad, Mayence, la Landwher, les Finances, etc. Eh bien ! il n’y a rien de tout cela.

« Comment as-tu pu croire un instant que je te donnerais tort ? On s’est rapproché de moi après que j’eus énoncé très énergiquement mes opinions sur les affaires politiques. On m’a écrit avec une extrême tendresse. J’ai répondu dès lors que je connaissais la sévérité de tes principes et qu’il t’était moralement impossible de les sacrifier, même à l’amitié. Aujourd’hui, dans ce même courrier, j’ai pris occasion de revenir sur ce sujet, écrivant au Prince, à propos de cet épouvantable et féroce attentat contre la malheureuse famille des Bourbons : j’ai placé en entier dans ma lettre au Prince les dix lignes que tu avais guillemetées. Je ne veux pas rompre, cela me paraîtrait