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Jusqu’ici. Nous nous contenterions fort bien, pour notre compte, de l’Acte d’Algésiras largement interprété : s’il est vrai, comme le gouvernement de la République l’a toujours soutenu, qu’il nous a autorisés à occuper la rive droite de la Moulouya, à organiser la Chaouïa et à aller militairement à Fez, il est assez élastique pour suffire à tous nos besoins. Mais notre interprétation n’ayant pas été admise par l’Allemagne, qui nous reproche d’avoir violé nos engagemens, il y a lieu de préciser les choses de manière à éviter désormais tout malentendu. Que nous ayons eu ou non le droit strict de faire ce que les circonstances nous ont obligés à faire, il faut que ce droit, avec toutes les conséquences qui en découlent, cesse de nous être disputé, de manière que le passé soit liquidé une fois pour toutes et l’avenir préparé. S’agit-il d’établir à Fez un protectorat muni de tous ses organes ? Non, l’œuvre que nous avons à accomplir au Maroc peut s’inspirer, dans quelque mesure, des exemples qui nous ont été donnés et que nous avons donnés nous-mêmes ailleurs ; celui des Anglais en Égypte est, notamment, de nature à nous fournir des indications utiles ; mais c’est une œuvre nouvelle et sui generis qui s’impose à nous dans un pays qui ne ressemble à aucun autre et où nous devons être vraiment créateurs. Le danger pour nous est de vouloir trop entreprendre à la fois. Au risque d’étonner nos lecteurs, nous leur dirons que l’Allemagne nous a, sans le vouloir, rendu service en nous obligeant à ne pas aller trop vite au Maroc. Les difficultés qu’elle nous a suscitées nous ont permis d’en apercevoir d’autres, dont, au début, notre gouvernement ne paraissait pas se douter. S’en doute-t-il aujourd’hui davantage ? Nous le saurons quand nous connaîtrons ses instructions à M. Jules Cambon. Elles doivent se borner à demander à l’Allemagne la reconnaissance de ce qui nous est nécessaire au Maroc : rien de moins, mais aussi rien de plus, car si nous demandions et si nous obtenions davantage, nous nous imposerions à nous-mêmes des difficultés nouvelles et nous risquerions de provoquer, chez d’autres puissances, des susceptibilités analogues à celles que nous aurions plus ou moins éteintes en Allemagne. Qui sait alors si on ne nous demanderait pas des compensations ailleurs qu’à Berlin ? Mais, pour en revenir à ce que nous avons dit plus haut, il est naturel, logique, légitime, qu’avant d’entamer le chapitre des compensations territoriales nous connaissions nettement l’avantage que l’Allemagne nous attribue. C’est le pays du do ut des, donnant donnant : on ne saurait donc y être surpris que nous voulions savoir ce qu’on nous donne, avant d’en débattre le prix.