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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 5.djvu/241

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de la situation, avaient à prendre leur revanche des maux héréditaires dont ils avaient été accablés. On a vu là un éclatant exemple de cette « justice immanente » des choses qui, il faut bien le dire, aboutit quelquefois à corriger une injustice par une autre. Quoi qu’il en soit, le parliament bill a été envoyé à la Chambre des Lords comme un ultimatum auquel elle ne pouvait rien changer. Le caractère en est connu : au lieu de participer à la confection des lois sur le pied d’égalité avec les Communes, les Lords perdaient définitivement le droit d’amender les lois fiscales et, pour les autres, ils ne conservaient plus qu’un veto suspensif : elles devenaient définitives au bout d’un certain temps, si les Communes le voulaient ainsi. Il est naturel que la Chambre des Lords ait résisté aussi longtemps qu’elle l’a pu à un bill qui faisait d’elle, en matière d’impôt, une simple Chambre d’enregistrement et qui, en toute autre matière, ne lui permettait qu’une opposition à terme. On sait par quel moyen le gouvernement a fait plier et céder sa résistance. Il avait été souvent question du dernier moyen, de l’ultima ratio dont il n’hésiterait pas à faire usage, s’il y était contraint : il arracherait au Roi la nomination des cinq cents lords dont l’intrusion dans la Chambre haute ferait passer la majorité d’un parti à l’autre. Mais le Roi y consentirait-il ? Les unionistes ont voulu en douter jusqu’au bout ; ils déclaraient, non sans raison, que c’était là un véritable coup d’État contre la Constitution, violent et brutal dans le présent, absurde dans l’avenir, puisque, si le pays leur rendait un jour la majorité dans la Chambre des Communes, il faudrait nommer derechef cinq cents pairs pour la leur rendre aussi dans la Chambre des Lords, définitivement submergée sous cet afflux nouveau. Le problème moral qui s’est imposé au Roi a certainement rempli sa conscience d’anxiété : où était son devoir ? Enfin, à la veille du vote définitif que les lords devaient émettre, M. Asquith a écrit une lettre à M. Balfour pour lui notifier qu’il avait la promesse royale. Cette promesse, le Roi a tenu à ce que la Chambre des Lords sût qu’il l’avait donnée avec répugnance ; il le lui a fait dire officiellement ; mais qu’importe ? La promesse était faite, et la répugnance que le Roi avait eue à la faire prouvait seulement qu’il avait dû se soumettre, comme la Chambre des Lords devait le faire un peu plus tard, ce qui n’était de nature à relever le prestige ni de la Couronne, ni de la haute assemblée qui avait été ; à travers l’histoire de l’Angleterre son principal appui.

Le même cas de conscience s’est, en effet, posé à la Chambre des Lords. Que faire ? Fallait-il repousser le bill et obliger le Roi à nommer