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nous ne lisons point que son sexe ait pu monter encore »], point ingrate, point injurieuse (ou point capable de mauvais office, car le mot a les deux sens).

L’injure plus qu’à nul à mon cœur est amère ;
J’aimerais mieux pourtant la souffrir que la faire,

elle déteste les grimaces de cour, L’oisiveté ; elle est charitable quoique avec plus de discernement qu’elle ne l’a été, depuis qu’elle connaît les hommes ; elle n’est ni indiscrète ni importune.

Donc, si j’ai des défauts, ils ne blessent que moi.

On connaît la position littéraire qu’elle prit et c’est même d’elle ce qu’on connaît le mieux. Elle fut résolument surannée. Elle défendit jusqu’en 1645 Montaigne, Ronsard et la Pléiade. Montaigne n’avait guère besoin d’être défendu puisque, de 1595 à 1635, il eut dix-sept éditions, peut-être plus ; mais encore on l’attaquait assez souvent, de différens côtés, et il n’était pas inutile de répliquer. Quant à Ronsard, il était complètement délaissé en France, juste au moment où, — voir Sidney Lee, The french Renaissance in England, — il était, lui et son école, en souverain honneur en Angleterre. C’est un grand, un très grand honneur à Mlle de Gournay, qui n’avait pas les mêmes misons de l’aimer qu’elle avait eues de chérir Montaigne, d’avoir rompu en visière pour lui à toute la génération nouvelle.

Elle détestait la réforme arrogante de Malherbe, souvent avec beaucoup de raison, trouvant par exemple absurde de proscrire l’hiatus, qui souvent est très harmonieux et de prescrire la rime pour les yeux, ce qui, en effet est une manie de typographe : « Veut-on rien de plus plaisant, dit-elle, veut-on mieux défendre de poétiser en commandant de rimer ? Car comment serait-il possible que la poésie volât au ciel, son but, avec telle rognure d’ailes et qui plus est écopement et brisement ? Puisqu’il est vrai qu’on ne peut substituer nulles meilleures rimes en la place de ces premières : action, passion, pansion, ni si bonnes en celle de ces dernières : blâme, âme, flamme. Faut-il pas dire aussi qu’ils ont, non bonne oreille mais bonne vue pour rimer ; dont il arrive qu’il nous faille un de ces jours écrire des talons et danser des ongles ? » On n’étudiera jamais trop les idées littéraires de Mlle de Gournay. Elles sont toutes de très bon sens. Mlle de Gournay fait mentir le proverbe : « Tu