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des traits communs. Nous ne pensons pas toutefois qu’il serait possible d’en conclure à l’existence d’une peinture wallonne, indépendante de cette parfaite unité qu’est la peinture flamande. L’école wallonne est née avec la Wallonie belge, entité de création récente amalgamant des territoires sans lien politique dans le passé. Chose curieuse : de vieilles divisions subsistent dans le champ paisible des revendications artistiques. L’exposition rétrospective de Charleroi est dédiée aux Arts anciens du Hainaut, et peut-être ce titre marque-t-il quelque intention de ne considérer comme vraiment wallon que l’art des anciennes villes hennuyères : Valenciennes, Mons, Maubeuge, Binche, Ath, auxquelles s’annexent pour la circonstance la vieille métropole de Tournai, les villes de la Flandre gallicante et quelques cités mosanes proches de l’ancien comté de Hainaut. Les Liégeois sont un peu négligés ; mais ceci n’est peut-être point pour leur déplaire ; ils ne tiennent pas à ce que leur art, — l’art mosan, — soit associé au reste de la production wallonne. L’art mosan adapte son cadre géographique aux frontières passablement confuses de l’ancienne principauté de Liège ; or celle-ci comprenait au Nord d’importans territoires de langue flamande, si bien que les frères Hubert et Jean van Eyck, nés dans la Campine limbourgeoise, figurent en tête de l’histoire de la peinture mosane ! Et c’est ainsi que les peintres immortels de l’Agneau deviennent parfois des maîtres wallons ! La question des délimitations, on le voit, a son importance dans l’histoire de l’art.

Elle ne se posait point au temps où s’enfantaient les chefs-d’œuvre. Les frontières linguistiques dans les Pays-Bas, sans rapport d’ailleurs avec les frontières politiques, n’ont jamais nui à la floraison d’un idéal commun aux Flamands et aux Wallons. Ne craignons pas ici de rappeler des faits connus, mais insuffisamment répandus. L’organisation politique et ecclésiastique des Pays-Bas favorisait la pénétration française dans la partie flamande, et l’action germanique dans les régions romanes. Il en fut ainsi dès le haut moyen âge. Le bilinguisme, en conséquence, s’imposa de tous temps aux habitans des Pays-Bas méridionaux[1]. « Dans les abbayes, moines flamands et moines wallons vivaient côte à côte. On s’attachait dans les cou-

  1. C’est-à-dire aux habitans des territoires constituant à peu près la Belgique actuelle.