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Wallons. Sur les deux parties du territoire naissent des maîtres dont les noms à peine connus de quelques historiens de l’art, il y a peu de temps, sont aujourd’hui vulgarisés. Leur énumération est une démonstration saisissante. Si le mot belge ne paraissait un peu ridicule employé pour les temps médiévaux, rien n’empêcherait de l’appliquer à notre école du XIVe siècle, car cette fois nous nous trouvons en présence d’une véritable école artistique, mi-wallonne, mi-flamande, et dans laquelle se manifestent les maîtrises de Jean-Pépin de Huy, Jehan de Liège, Pierre de Bruxelles, Jean de Gand, André Beauneveu, Everart de Hainaut, Hennequin de Bruges, Jean de Beaumetz, Jean Malouel de Gueldre, Henri Bellechose de Brabant, Claes Sluter de Hollande, Jacques Coene de Bruges, Broederlam d’Ypres, Jean de Woluwe, Jean de Hasselt, Pol de Limbourg et ses frères. Certains de ces maîtres ont vécu à Paris ; il en est qui ont connu l’Italie ; leur art porte l’empreinte de l’internationalisme éclectique où s’élabore la production du trecento occidental. Puis à la fin du XIVe siècle les caractères propres au génie flamand se fixent dans les vivantes sculptures de Champmol. Et tandis que le réalisme physionomique s’exprime dans les figures agenouillées de Philippe le Hardi et de Marguerite de Mâle, la vie des souverains, seigneurs, châtelaines, serviteurs, valets, hommes des champs, est évoquée dans des cadres de nature familière par les miniaturistes qui préfacent les merveilles des van Eyck. Une cinquantaine d’années après que Jean de Bruges, dit Jean Bandol, eut peint, sur la page initiale d’une Bible historiée aujourd’hui conservée à la Haye, le portrait naïf et exact de Charles le Sage recevant dans sa « librairie » du Louvre l’hommage de son scribe Jean de Vaudetar, la peinture flamande avait conquis son indépendance entière. Elle apportait ses visions, son style et, — grâce à une découverte retentissante dont l’histoire n’est point élucidée, — sa technique, tout à fait inédite, qui aurait suffi à établir son prestige et qui, de fait, lui assura pendant près d’un siècle une popularité extraordinaire : la couleur à l’huile.

Quelle place les maîtres wallons ont-ils occupée dans notre peinture des XVe et XVIe siècles ? Telle est la question que l’on s’est surtout posée à l’occasion de l’exposition de Charleroi et à laquelle M. Jules Destrée s’est efforcé de répondre. Avec des œuvres appartenant ou se rapportant aux cycles de Roger de le